t pas toute la
verite, il la soupconne en partie; dans le monde des affaires, il n'est
personne a Elbeuf qui ne sache que notre situation n'est pas aujourd'hui
ce qu'elle etait il y a quelques annees. Mais quel rapport cela a-t-il
avec la reponse que je te demande?
--Ah! papa!
--C'est naif, ce que je dis?
Elle lui secoua le bras doucement, par un geste de mutinerie caressante.
--Si M. Debs, sachant que tes affaires ne vont pas bien, demande
neanmoins ma main, c'est... qu'il m'aime.
--Ah! j'y suis.
--Dame!
--Et cela te fait plaisir?
--Tu demandes des choses...
--Alors tu ne soupconnais pas qu'il t'aimat?
--Je ne soupconnais pas... c'est-a-dire que je voyais bien que M. Debs
etait tres aimable avec moi; partout ou j'allais, je le rencontrais;
toujours je trouvais ses yeux fixes sur moi tres... tendrement; il avait
en me parlant des intonations d'une douceur qu'il n'avait pas avec les
autres, ni avec Marie qui est mieux que moi, ni avec Claire qui est dans
une situation de fortune superieure a la notre, ni avec Suzanne, ni avec
Madeleine, mais... les choses n'avaient jamais ete plus loin.
--Maintenant elles ont marche, et il depend de toi qu'elles en restent
la s'il ne te plait point.
--Je ne dis pas cela.
--Dis-tu qu'il te plait?
--Il est tres bien.
Devant ces reticences il revint a son idee: peut-etre ne voulait-elle
pas de ce mariage, et n'osait-elle pas l'avouer; il fallait lui venir en
aide:
--Il est vrai qu'il est juif.
Elle se mit a rire franchement:
--Et qu'est-ce que tu veux que ca me fasse qu'il soit juif?
IX
L'eclat de rire etait si naturel et le mot qui l'accompagnait sortait si
spontanement du coeur que la preuve etait faite: l'affaiblissement de
prejuge dont Adeline avait parle a sa femme se realisait: feroce chez la
grand'mere, resistant encore chez la mere, il n'existait plus chez la
fille; il avait si bien disparu qu'elle en riait. "Qu'est-ce que tu veux
que ca me fasse qu'il soit juif?"
--Si cela ne te fait rien qu'il soit juif, dit Adeline apres un moment
de reflexion, il n'en est pas de meme pour ta grand'mere.
--Elle est opposee a M. Debs, n'est-ce pas? demanda Berthe d'une voix
qui tremblait.
--Peux-tu en douter?
--Et maman?
--Ta mere n'avait jamais pense a ce mariage, mais elle n'y fera pas
d'opposition si de ton cote tu le desires?
--Et toi, papa?
Cela fut demande d'une voix douce et emue qui remua le coeur du pere.
--Tu sais bie
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