si par le monde je trouvais assez de maris
pour faire mon choix. Et maintenant!
Il fit quelques tours par la chambre; puis revenant a sa femme et
s'arretant devant elle:
--Eh bien, maintenant, pour le mariage qui se presente, je ne ferai
point ce que j'ai fait toute ma vie, me disant: "Il est bien difficile
de l'accepter, mais, d'autre part, il est bien difficile de le refuser",
attendant que ces difficultes disparaissent d'elles-memes. Pour moi,
j'ai pu me perdre dans ces hesitations malheureuses, je ne les aurai
point pour Berthe. Demain, j'irai avec elle au Thuit, et la, dans la
tranquillite du tete-a-tete je l'interrogerai.
Cela fut dit avec resolution, mais aussitot le caractere reprit le
dessus:
--Apres tout, elle n'en voudra peut-etre pas de ce mariage.
VIII
Dans une famille, la mere n'est pas toujours la confidente de ses
filles; c'est quelquefois le pere qu'elles choisissent; c'etait le cas
chez les Adeline, ou Berthe, tout en aimant sa mere tendrement, avait
plus de liberte et plus d'expansion avec son pere.
Occupee, affairee, appartenant a tous; madame Adeline n'avait jamais pu
perdre son temps dans les longs bavardages ou se plaisent les enfants.
Quand, toute petite, Berthe venait dans le bureau pour embrasser sa
maman et se faire embrasser, celle-ci ne la renvoyait point, mais elle
ne se laissait pas caresser aussi longtemps que l'enfant l'aurait voulu;
elle ne la gardait pas dans ses bras, elle ne la dodelinait pas comme
la petite le demandait, sinon en paroles franches, au moins avec des
regards attendris et ces mouvements enveloppants ou les enfants sont si
habiles et si perseverants. Apres un baiser affectueusement donne, la
mere reprenait la plume et se remettait au travail; ses minutes etaient
comptees.
Au contraire, Berthe avait toujours trouve son pere entierement a elle,
sans que jamais il lui repondit le mot qu'elle etait habituee a entendre
chez sa mere: "Laisse-moi travailler." Il n'avait pas a travailler, lui,
lorsqu'elle voulait jouer, et quoi qu'il eut a faire, il ne le faisait
que lorsqu'elle lui en laissait la liberte; et bien souvent meme il
commencait sans attendre qu'elle vint a lui. Avec cela s'ingeniant a lui
plaire en tout; enfant, lorsqu'elle n'etait qu'une enfant; jeune homme,
lorsqu'elle etait devenue jeune fille. Que de parties de cache-cache
avec elle derriere les pieces de drap et dans les armoires! Que de
visites aux quinze ou vingt poupees composant la fam
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