igent, plus soucieux de plaire,
plus aimable dans la vie, plus souple, plus prompt, plus commercant
dans les affaires que beaucoup d'autres; je ne peux donc partager ton
prejuge.
--Il s'applique beaucoup plus aux siens qu'a lui-meme, ce prejuge.
--C'est deja quelque chose.
--Je trouve, comme toi, Michel un aimable garcon, et si je le voyais
pour la premiere fois, si l'on m'enumerait les qualites que je lui
reconnais volontiers, si l'on me disait qu'il desire epouser ma fille
sans m'apprendre en meme temps qu'il est juif, je serais toute disposee
a le considerer comme un gendre possible... et peut-etre meme desirable.
Mais il n'est pas seul, il a les siens autour de lui, il a sa
grand-mere, et quand M. Eck m'a presente sa demande, je t'avoue que je
n'ai vu qu'une chose, la vie de Berthe dans la maison de cette vieille
juive fanatique.
--Et pourquoi Berthe vivrait-elle dans la maison de madame Eck et sous
la direction de celle-ci? Cela n'est pas du tout oblige, il me semble.
D'ailleurs la vieille madame Eck mene une existence si retiree qu'elle
ne doit pas etre une gene pour les siens. Je comprends que, si tout ce
qu'on dit d'elle est vrai, cette existence est bizarre; mais tu sais
comme moi que ce n'est pas du tout celle de ses enfants, qui ont nos
moeurs et nos habitudes ni plus ni moins que des chretiens.
--Ainsi, tu veux ce mariage? dit madame Adeline avec un certain effroi.
--Je ne le veux pas plus que je ne le veux point: je ne lui suis pas
hostile et trouve qu'il est faisable, voila la verite vraie. Il y a
quelqu'un qu'il touche encore de plus pres que nous; c'est Berthe;
aussi, avant de dire: il se fera ou ne se fera point, je trouve que
Berthe doit etre consultee. Pour Maman, ce mariage serait l'abomination
des abominations; pour toi qui es d'un autre age et que la tolerance
a penetree, il serait inquietant, sans que tu pusses cependant le
repousser par des raisons serieuses et autrement que d'instinct, sans
trop savoir pourquoi. Pour Berthe il peut etre desirable. C'est a voir.
Si elle l'acceptait, il y aurait la un affaiblissement de prejuge tout a
fait curieux, mais qui, a vrai dire, ne m'etonnerait pas.
Madame Adeline avait ravive le feu qui s'eteignait; elle fit asseoir son
mari devant la cheminee, et s'assit elle-meme a cote de lui.
--Ainsi tu veux consulter Berthe? demanda-t-elle.
--N'est-ce pas la premiere chose a faire? Je ne veux pas plus la marier
malgre elle que je ne voudrais qu'el
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