quand il m'a _barle_
de ce mariage. "Et ta grand'mere, et la grand'mere de _mademoiselle
Perthe_, hein!"
Justement apres etre revenue un peu de son etourdissement, c'etait a ces
grand'meres qu'elle pensait, a celle de Berthe et a celle de Michel.
De celle-ci, que personne ne voyait parce qu'elle vivait cloitree comme
une femme d'Orient, tout le monde racontait des histoires que le mystere
et l'inconnu rendaient effrayantes.
Que n'exigerait-elle pas de sa bru, cette vieille femme soumise
aux pratiques les plus etroites de sa religion? De quel oeil
regarderait-elle une chretienne a sa table, elle qui ne mangeait que
de la viande pure, c'est-a-dire saignee par un sacrificateur, ouvrier
alsacien verse dans les rites, qu'elle avait fait venir expres?
Bien qu'elle n'eut ni le temps ni le gout d'ecouter les bavardages
qui couraient la ville, madame Adeline n'avait pas pu ne pas retenir
quelques-unes des bizarreries qu'on attribuait a cette vieille juive et
ne pas en etre frappee.
Avant l'arrivee des Eck et des Debs a Elbeuf, on s'occupait peu des
usages des juifs, mais du jour ou cette vieille femme s'etait installee
dans sa maison, son rigorisme l'avait imposee a la curiosite et aussi
a la critique. C'etait monnaie courante de la conversation de raconter
qu'elle se faisait apporter le gibier vivant pour que son sacrificateur
le saignat;--qu'elle ne mangeait pas des poissons sans ecailles;
qu'on faisait traire son lait directement de la vache dans un pot lui
appartenant;--qu'elle avait une vaisselle pour le gras, une autre pour
le maigre;--que le poisson seul pouvait etre arrange au beurre, a
l'huile ou a la graisse;--que, dans les repas ou il etait servi de la
viande, elle ne mangeait ni fromage, ni laitage, ni gateaux;--qu'on
preparait sa nourriture le vendredi pour le samedi, et, comme ce jour-la
les Israelites ne doivent pas toucher au feu, on mettait une plaque de
fer sur des braises, et sur cette plaque on placait le vase contenant
les mets tout cuits, ce vase ne pouvait etre pris que par des mains
juives;--enfin, que ses cheveux coupes etaient recouverts d'un bandeau
de velours, et qu'elle obligeait sa fille et sa belle-fille a ne pas
laisser pousser leurs cheveux.
Sans doute il y avait dans tout cela des exagerations, mais le
vrai n'indiquait-il pas un rigorisme de pratiques religieuses peu
encourageant? Elle le connaissait, ce rigorisme dans la foi, depuis
vingt ans qu'elle en avait trop souffert aupres d
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