ue faconne pour
l'attente, sort de ce cercle passif pour entreprendre, pour faire
quelque chose qui puisse lui rendre son bonheur.
Ottilie n'avait point renonce a Edouard; Charlotte cependant fut
assez prudente pour feindre de regarder comme une chose convenue et
certaine, qu'il ne pouvait plus desormais y avoir entre sa niece et
son mari que des relations de protection bienveillante, d'amitie
paisible.
Ottilie passait une partie de ses nuits a genoux devant le coffre
ouvert ou les riches presents d'Edouard se trouvaient encore tels
qu'il les y avait places lui-meme. Pour elle, tous ces objets etaient
tellement sacres, qu'elle aurait craint de les profaner en s'en
servant. Apres ces nuits cruelles, elle sortait, avec les premiers
rayons du jour, du chateau ou, naguere; elle avait ete si heureuse, et
se refugiait dans les solitudes les plus agrestes. Parfois meme il lui
semblait que le sol ne la portait qu'a regret; alors elle se jetait
dans la nacelle, la faisait glisser jusqu'au milieu du lac, tirait une
relation de voyage de sa poche; et doucement bercee par les vagues,
elle se laissait aller a des reves qui la transportaient dans les pays
lointains dont parlait son livre, et ou elle rencontrait toujours
l'ami que rien ne pouvait eloigner de son coeur.
CHAPITRE XVIII.
Mittler, dont nos lecteurs connaissent deja l'humeur bizarre et
l'activite inquiete, avait entendu parler sourdement des troubles
survenus au chateau de ses bons amis, dont il croyait le bonheur a
l'abri de tout orage. Persuade que le mari ou la femme ne tarderait
pas a reclamer son intervention, qu'il etait tres-dispose a leur
accorder, il s'attendait a chaque instant a recevoir un message
de l'un ou de l'autre. Leur silence l'etonna sans diminuer ses
bienveillantes intentions a leur egard, et il finit par se decider a
aller leur offrir ses services. Cependant il remettait cette demarche
de jour en jour; l'experience lui avait prouve que rien n'est plus
difficile que de ramener des personnes douees d'une intelligence
superieure, sur la route dont elles n'ont pu s'eloigner sans le
savoir. Apres une assez longue hesitation, il prit enfin le parti
d'aller trouver Edouard, dont il venait de decouvrir la retraite.
La route qu'il fallait suivre pour se rendre pres de ce mari egare,
le conduisit a travers une agreable vallee tapissee de prairies que
sillonnait un rapide et bruyant ruisseau. Des champs et des vergers
separaient les villages
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