ndre qu'il
risquat sa precieuse sante avec des prostituees de bas etage. Il etait
incapable de rabaisser son orgueil jusqu'a implorer celles qui ne cedent
qu'a des offres considerables ou a des demonstrations d'engouement qui
raniment leur coeur eteint et reveillent leur curiosite blasee. Il
faisait profession pour celles-la d'un mepris qui allait jusqu'a
l'intolerance la plus cruelle. Il ne comprenait pas le sens religieux et
vraiment grand de _Marion Delorme_. Il aimait l'oeuvre sans etre penetre
de la moralite profonde qu'elle renferme. Il se posait en Didier, mais
seulement pour une scene, celle ou l'amant de Marion, etourdi de
sa decouverte, accable cette infortunee de ses sarcasmes et de ses
maledictions; et, quant au pardon du denouement, il disait que Didier
ne l'eut jamais accorde s'il n'eut du avoir, une minute apres, la tete
tranchee.
Ce qu'il y avait a craindre, c'est que, s'adressant a des existences
plus precieuses, il ne les fletrit ou ne les brisat par son caprice
ou son orgueil, et qu'il ne remplit la sienne propre de regrets ou de
remords. Heureusement cette victime n'etait pas facile a trouver. On ne
trouve pas plus l'amour, quand on le cherche de sang-froid et de parti
pris, qu'on ne trouve l'inspiration poetique dans les memes conditions.
Pour aimer, il faut commencer par comprendre ce que c'est qu'une femme,
quelle protection et quel respect on lui doit. A celui qui est penetre
de la saintete des engagements reciproques, de l'egalite des sexes
devant Dieu, des injustices de l'ordre social et de l'opinion vulgaire a
cet egard, l'amour peut se reveler dans toute sa grandeur et dans
toute sa beaute; mais a celui qui est imbu des erreurs communes de
l'inferiorite de la femme, de la difference de ses devoirs avec les
notres en fait de fidelite; a celui qui ne cherche que des emotions et
non un ideal, l'amour ne se revelera pas. Et, a cause de cela, l'amour,
ce sentiment que Dieu a fait pour tous, n'est connu que d'un bien petit
nombre.
Horace n'avait jamais remue dans sa pensee cette grande question
humaine. Il riait volontiers de ce qu'il ne comprenait pas, et, ne
jugeant le saint-simonisme (alors en pleine propagande) que par ses
cotes defectueux, il rejetait tout examen d'un pareil charlatanisme.
C'etait son expression; et si elle etait meritee a beaucoup d'egards, ce
n'etait du moins sous aucun rapport serieux a lui connu. Il ne voyait
la que les habits bleus et les fronts epiles des _peres_ de
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