comme partie integrale. S'ils disent que la derniere partie de la
definition ne lui convient pas, savoir: _en sorte qu'il lui soit
impossible de subsister sans ce sujet meme_, vu qu'il est possible
que l'animal soit sans l'homme et sans les autres inferieurs, non
pas actuellement, bien entendu, mais en general; dites-leur la
meme chose de la rationnalite, car, suivant eux, quand meme la
rationnalite ne serait dans aucun, elle subsisterait dans la nature.
Expliquons ce raisonnement. Si la rationnalite est dans le sujet homme
comme une partie qui en peut etre separee, qu'est-ce que le sujet homme
separe de cette partie? ce n'est plus l'homme. Si l'on objecte qu'elle
en est partie formelle et non integrale, on peut repondre qu'alors
l'animal aussi est dans le sujet homme et n'en est point partie
integrale; pourtant de l'homme retranchez l'animal, que restera-t-il?
Si l'on dit que l'animal ne peut etre dans le sujet homme comme la
rationnalite, parce qu'il est possible de l'en separer sans qu'il cesse
de subsister, attendu que l'animal peut subsister sans l'homme, ceux qui
font de la rationnalite une essence subsistante n'en doivent-ils pas
dire la meme chose? Il faut donc admettre que la rationnalite et
l'animalite sont dans le sujet homme de la meme maniere et sont
egalement necessaires pour le constituer, et que la rationnalite n'est
pas plus que l'animalite une essence subsistante en dehors de l'animal
humain.
L'extrait qu'on vient de lire contient une polemique assez vive contre
la theorie generale de l'existence propre des essences generiques ou
speciales, distinctes des individus et cependant residant identiquement
et integralement dans les individus. La pensee principale d'Abelard,
c'est que cette theorie etablit, entre les elements constituants des
etres, des rapports qui ne rentrent plus dans les cadres de l'ontologie
logique; ils ne sont plus, en effet, matiere et forme, genre et
difference. Ou bien il faut admettre des essences hierarchiques, entre
lesquelles, du moment qu'on les tient pour reelles et subsistantes,
on ne sait plus quelles relations assigner, car ou est le rapport
ontologique possible entre une substance universelle et une substance
individuelle? Ou bien il faut n'attribuer l'etre proprement dit qu'aux
substances universelles et reduire les differences tant specifiques
qu'individuelles a de simples accidents, et c'est encore une extremite
incompatible avec la natur
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