-- Moi!
-- Oui, cher ami, j'ai besoin de vous. _L'Epoque_ m'a charge
definitivement de cette affaire, et il faut que je l'eclaircisse
au plus vite.
-- Mais en quoi puis-je vous servir?
-- M. Robert Darzac est au chateau du Glandier.
-- C'est vrai... son desespoir doit etre sans bornes!
-- Il faut que je lui parle..."
Rouletabille prononca cette phrase sur un ton qui me surprit:
"Est-ce que... Est-ce que vous croyez a quelque chose
d'interessant de ce cote? ... demandai-je.
-- Oui."
Et il ne voulut pas en dire davantage. Il passa dans mon salon en
me priant de hater ma toilette.
Je connaissais M. Robert Darzac pour lui avoir rendu un tres gros
service judiciaire dans un proces civil, alors que j'etais
secretaire de maitre Barbet-Delatour. M. Robert Darzac, qui avait,
a cette epoque, une quarantaine d'annees, etait professeur de
physique a la Sorbonne. Il etait intimement lie avec les
Stangerson, puisque apres sept ans d'une cour assidue, il se
trouvait enfin sur le point de se marier avec Mlle Stangerson,
personne d'un certain age (elle devait avoir dans les trente-cinq
ans), mais encore remarquablement jolie.
Pendant que je m'habillais, je criai a Rouletabille qui
s'impatientait dans mon salon:
"Est-ce que vous avez une idee sur la condition de l'assassin?
-- Oui, repondit-il, je le crois sinon un homme du monde, du moins
d'une classe assez elevee... Ce n'est encore qu'une impression...
-- Et qu'est-ce qui vous la donne, cette impression?
-- Eh bien, mais, repliqua le jeune homme, le beret crasseux, le
mouchoir vulgaire et les traces de la chaussure grossiere sur le
plancher...
-- Je comprends, fis-je; on ne laisse pas tant de traces derriere
soi, "quand elles sont l'expression de la verite!"
-- On fera quelque chose de vous, mon cher Sainclair!" conclut
Rouletabille.
III
"Un homme a passe comme une ombre a travers les volets"
Une demi-heure plus tard, nous etions, Rouletabille et moi, sur le
quai de la gare d'Orleans, attendant le depart du train qui allait
nous deposer a Epinay-sur-Orge. Nous vimes arriver le parquet de
Corbeil, represente par M. de Marquet et son greffier. M. de
Marquet avait passe la nuit a Paris avec son greffier pour
assister, a la Scala, a la repetition generale d'une revuette dont
il etait l'auteur masque et qu'il avait signe simplement:"Castigat
Ridendo."
M. de Marquet commencait d'etre un noble vieillard. Il etait, a
l'ordinaire, plein de p
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