ottine de M. Darzac. L'adaptation etait
parfaite et Rouletabille se releva en repetant: "Diable"!
Je n'osais pas prononcer une parole, tant j'imaginais que ce qui
se passait, dans ce moment, dans les bosses de Rouletabille etait
grave.
Il dit:
"Je crois pourtant que M. Robert Darzac est un honnete homme..."
Et il m'entraina vers l'auberge du "Donjon", que nous apercevions
a un kilometre de la, sur la route, a cote d'un petit bouquet
d'arbres.
X
"Maintenant, il va falloir manger du saignant"
L'auberge du "Donjon" n'avait pas grande apparence; mais j'aime
ces masures aux poutres noircies par le temps et la fumee de
l'atre, ces auberges de l'epoque des diligences, batisses
branlantes qui ne seront bientot plus qu'un souvenir. Elles
tiennent au passe, elles se rattachent a l'histoire, elles
continuent quelque chose et elles font penser aux vieux contes de
la Route, quand il y avait, sur la route, des aventures.
Je vis tout de suite que l'auberge du "Donjon" avait bien ses deux
siecles et meme peut-etre davantage. Pierraille et platras
s'etaient detaches ca et la de la forte armature de bois dont les
X et les V supportaient encore gaillardement le toit vetuste.
Celui-ci avait glisse legerement sur ses appuis, comme glisse la
casquette sur le front d'un ivrogne. Au-dessus de la porte
d'entree, une enseigne de fer gemissait sous le vent d'automne. Un
artiste de l'endroit y avait peint une sorte de tour surmontee
d'un toit pointu et d'une lanterne comme on en voyait au donjon du
chateau du Glandier. Sous cette enseigne, sur le seuil, un homme,
de mine assez rebarbative, semblait plonge dans des pensees assez
sombres, s'il fallait en croire les plis de son front et le
mechant rapprochement de ses sourcils touffus.
Quand nous fumes tout pres de lui, il daigna nous voir et nous
demanda d'une facon peu engageante si nous avions besoin de
quelque chose. C'etait, a n'en pas douter, l'hote peu aimable de
cette charmante demeure. Comme nous manifestions l'espoir qu'il
voudrait bien nous servir a dejeuner, il nous avoua qu'il n'avait
aucune provision et qu'il serait fort embarrasse de nous
satisfaire; et, ce disant, il nous regardait d'un oeil dont je ne
parvenais pas a m'expliquer la mefiance.
"Vous pouvez nous faire accueil, lui dit Rouletabille, nous ne
sommes pas de la police.
-- je ne crains pas la police, repondit l'homme; je ne crains
personne."
Deja je faisais comprendre par un signe a mon ami
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