ranches, dans les feuilles, et un frisson, un frisson de
peur aussi! Les oiseaux se reveillaient; un chien se mit a hurler; il me
sembla que le jour se levait! Deux autres fenetres eclaterent aussitot, et
je vis que tout le bas de ma demeure n'etait plus qu'un effrayant brasier.
Mais un cri, un cri horrible, suraigu, dechirant, un cri de femme passa
dans la nuit, et deux mansardes s'ouvrirent! J'avais oublie mes
domestiques! Je vis leurs faces affolees, et leurs bras qui s'agitaient!...
Alors, eperdu d'horreur, je me mis a courir vers le village en hurlant: "Au
secours! au secours! au feu! au feu!" Je rencontrai des gens qui s'en
venaient deja et je retournai avec eux, pour voir!
La maison, maintenant, n'etait plus qu'un bucher horrible et magnifique, un
bucher monstrueux, eclairant toute la terre, un bucher ou brulaient des
hommes, et ou il brulait aussi, Lui, Lui, mon prisonnier, l'Etre nouveau,
le nouveau maitre, le Horla!
Soudain le toit tout entier s'engloutit entre les murs, et un volcan de
flammes jaillit jusqu'au ciel. Par toutes les fenetres ouvertes sur la
fournaise, je voyais la cuve de feu, et je pensais qu'il etait la, dans ce
four, mort...
--Mort? Peut-etre?... Son corps? son corps que le jour traversait
n'etait-il pas indestructible par les moyens qui tuent les notres?
S'il n'etait pas mort?... seul peut-etre le temps a prise sur l'Etre
Invisible et Redoutable. Pourquoi ce corps transparent, ce corps
inconnaissable, ce corps d'Esprit, s'il devait craindre, lui aussi, les
maux, les blessures, les infirmites, la destruction prematuree?
La destruction prematuree? toute l'epouvante humaine vient d'elle! Apres
l'homme le Horla.--Apres celui qui peut mourir tous les jours, a toutes les
heures, a toutes les minutes, par tous les accidents, est venu celui qui ne
doit mourir qu'a son jour, a son heure, a sa minute, parce qu'il a touche
la limite de son existence!
Non... non... sans aucun doute, sans aucun doute... il n'est pas mort...
Alors... alors... il va donc falloir que je me tue moi!...
* * * * *
AMOUR
TROIS PAGES DU _LIVRE D'UN CHASSEUR_
... Je viens de lire dans un fait divers de journal un drame de passion. Il
l'a tuee, puis il s'est tue, donc il l'aimait. Qu'importent Il et Elle?
Leur amour seul m'importe; et il ne m'interesse point parce qu'il
m'attendrit ou parce qu'il m'etonne, ou parce qu'il m'emeut ou parce qu'il
me fait songe
|