. Alors?... alors?...
_21 aout_.--J'ai fait venir un serrurier de Rouen, et lui ai commande pour
ma chambre des persiennes de fer, comme en ont, a Paris, certains hotels
particuliers, au rez-de-chaussee, par crainte des voleurs. Il me fera, en
outre, une porte pareille. Je me suis donne pour un poltron, mais je m'en
moque!...
* * * * *
_10 septembre_.--Rouen, hotel continental. C'est fait... c'est fait... mais
est-il mort? J'ai l'ame bouleversee de ce que j'ai vu.
Hier donc, le serrurier ayant pose ma persienne et ma porte de fer, j'ai
laisse tout ouvert jusqu'a minuit, bien qu'il commencat a faire froid.
Tout a coup, j'ai senti qu'il etait la, et une joie, une joie folle m'a
saisi. Je me suis leve lentement, et j'ai marche a droite, a gauche,
longtemps pour qu'il ne devinat rien; puis j'ai ote mes bottines et mis mes
savates avec negligence; puis j'ai ferme ma persienne de fer, et revenant a
pas tranquilles vers la porte, j'ai ferme la porte aussi a double tour.
Retournant alors vers la fenetre, je la fixai par un cadenas, dont je mis
la clef dans ma poche.
Tout a coup, je compris qu'il s'agitait autour de moi, qu'il avait peur a
son tour, qu'il m'ordonnait de lui ouvrir. Je faillis ceder; je ne cedai
pas, mais m'adossant a la porte, je l'entre-baillai, tout juste assez pour
passer, moi, a reculons; et comme je suis tres grand ma tete touchait au
linteau. J'etais sur qu'il n'avait pu s'echapper et je l'enfermai, tout
seul, tout seul! Quelle joie! Je le tenais! Alors, je descendis, en
courant; je pris dans mon salon, sous ma chambre, mes deux lampes et je
renversai toute l'huile sur le tapis, sur les meubles, partout; puis j'y
mis le feu, et je me sauvai, apres avoir bien referme, a double tour, la
grande porte d'entree.
Et j'allai me cacher au fond de mon jardin, dans un massif de lauriers.
Comme ce fut long! comme ce fut long! Tout etait noir, muet, immobile; pas
un souffle d'air, pas une etoile, des montagnes de nuages qu'on ne voyait
point, mais qui pesaient sur mon ame si lourds, si lourds.
Je regardais ma maison, et j'attendais. Comme ce fut long! Je croyais deja
que le feu s'etait eteint tout seul, ou qu'il l'avait eteint, Lui, quand
une des fenetres d'en bas creva sous la poussee de l'incendie, et une
flamme, une grande flamme rouge et jaune, longue, molle, caressante, monta
le long du mur blanc et le baisa jusqu'au toit. Une lueur courut dans les
arbres, dans les b
|