rdent, la guettait, attendant
qu'elle fut assez proche.
--Tu as tue la femelle, dit-il, le male ne s'en ira pas.
Certes, il ne s'en allait point; il tournoyait toujours, et pleurait autour
de nous. Jamais gemissement de souffrance ne me dechira le coeur comme
l'appel desole, comme le reproche lamentable de ce pauvre animal perdu dans
l'espace.
Parfois, il s'enfuyait sous la menace du fusil qui suivait son vol; il
semblait pret a continuer sa route, tout seul a travers le ciel. Mais ne
s'y pouvant decider il revenait bientot pour chercher sa femelle.
--Laisse-la par terre, me dit Karl, il approchera tout a l'heure.
Il approchait, en effet, insouciant du danger, affole par son amour de
bete, pour l'autre bete que j'avais tuee.
Karl tira; ce fut comme si on avait coupe la corde qui tenait suspendu
l'oiseau. Je vis une chose noire qui tombait; j'entendis dans les roseaux
le bruit d'une chute. Et Pierrot me le rapporta.
Je les mis, froids deja, dans le meme carnier... et je repartis, ce
jour-la, pour Paris.
* * * * *
LE TROU
_Coups et blessures, ayant occasionne la mort._ Tel etait le chef
d'accusation qui faisait comparaitre en cour d'assises le sieur Leopold
Renard, tapissier.
Autour de lui les principaux temoins, la dame Flameche, veuve de la
victime, les nommes Louis Ladureau, ouvrier ebeniste, et Jean Durdent,
plombier.
Pres du criminel, sa femme en noir, petite, laide, l'air d'une guenon
habillee en dame.
Et voici comment Renard (Leopold) raconte le drame:
--Mon Dieu, c'est un malheur dont je fus tout le temps la premiere victime,
et dont ma volonte n'est pour rien. Les faits se commentent d'eux-memes,
m'sieu l'president. Je suis un honnete homme, homme de travail, tapissier
dans la meme rue depuis seize ans, connu, aime, respecte, considere de
tous, comme en ont atteste les voisins, meme la concierge qui n'est pas
folatre tous les jours. J'aime le travail, j'aime l'epargne, j'aime les
honnetes gens et les plaisirs honnetes. Voila ce qui m'a perdu, tant pis
pour moi; ma volonte n'y etant pas, je continue a me respecter.
"Donc, tous les dimanches, mon epouse que voila et moi, depuis cinq ans,
nous allons passer la journee a Poissy. Ca nous fait prendre l'air, sans
compter que nous aimons la peche a la ligne, oh! mais la, nous l'aimons
comme des petits oignons. C'est Melie qui m'a donne cette passion-la, la
rosse, et qu'elle y est plus emporte
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