antes on me reveilla. J'endossai, a mon tour, une peau
de mouton et je trouvai mon cousin Karl couvert d'une fourrure d'ours.
Apres avoir avale chacun deux tasses de cafe brulant suivies de deux verres
de fine champagne, nous partimes accompagnes d'un garde et de nos chiens:
Plongeon et Pierrot.
Des les premiers pas dehors, je me sentis glace jusqu'aux os. C'etait une
de ces nuits ou la terre semble morte de froid. L'air gele devient
resistant, palpable tant il fait mal; aucun souffle ne l'agite; il est
fige, immobile; il mord, traverse, desseche, tue les arbres, les plantes,
les insectes, les petits oiseaux eux-memes qui tombent des branches sur le
sol dur, et deviennent durs aussi, comme lui, sous l'etreinte du froid.
La lune, a son dernier quartier, toute penchee sur le cote, toute pale,
paraissait defaillante au milieu de l'espace, et si faible qu'elle ne
pouvait plus s'en aller, qu'elle restait la-haut, saisie aussi, paralysee
par la rigueur du ciel. Elle repandait une lumiere seche et triste sur le
monde, cette lueur mourante et blafarde qu'elle nous jette chaque mois, a
la fin de sa resurrection.
Nous allions, cote a cote, Karl et moi, le dos courbe, les mains dans nos
poches et le fusil sous le bras. Nos chaussures enveloppees de laine afin
de pouvoir marcher sans glisser sur la riviere gelee ne faisaient aucun
bruit; et je regardais la fumee blanche que faisait l'haleine de nos
chiens.
Nous fumes bientot au bord du marais, et nous nous engageames dans une des
allees de roseaux secs qui s'avancait a travers cette foret basse.
Nos coudes, frolant les longues feuilles en rubans, laissaient derriere
nous un leger bruit; et je me sentis saisi, comme je ne l'avais jamais ete,
par l'emotion puissante et singuliere que font naitre en moi les marecages.
Il etait mort, celui-la, mort de froid, puisque nous marchions dessus, au
milieu de son peuple de joncs desseches.
Tout a coup, au detour d'une des allees, j'apercus la hutte de glace qu'on
avait construite pour nous mettre a l'abri. J'y entrai, et comme nous
avions encore pres d'une heure a attendre le reveil des oiseaux errants, je
me roulai dans ma couverture pour essayer de me rechauffer.
Alors, couche sur le dos, je me mis a regarder la lune deformee, qui avait
quatre cornes a travers les parois vaguement transparentes de cette maison
polaire.
Mais le froid du marais gele, le froid de ces murailles, le froid tombe du
firmament me penetra bientot d'un
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