attirerent l'attention d'Aurelien; c'etaient deux
jeunes Anglais de dix-huit a dix-neuf ans, qui, faisant leur voyage
d'Italie, avaient voulu visiter le pape, comme le lendemain ils
visiteraient Garibaldi ou les thermes d'Antonino Caracalla; c'etait une
curiosite a voir, inscrite dans leur itineraire, protestants d'ailleurs,
a en juger par la pitie meprisante avec laquelle ils regardaient les
deux ecclesiastiques et les deux Francais, qui laissaient paraitre leur
emotion dans l'attente de ce qui, pour ces catholiques, etait une pieuse
solennite.
Ce qui les amusait surtout, c'etaient les paquets deposes sur le
fauteuil; ils se les montraient d'un coup d'oeil, et ils parlaient a
voix basse, en riant silencieusement.
Evidemment ils avaient devine ce qui se trouvait renferme dans ces
paquets, et cela leur paraissait profondement ridicule.
Onze heures avaient sonne depuis quelques minutes deja quand la porte
s'ouvrit devant un nouvel arrivant qui, bien qu'en retard, entra sans se
presser et d'un pas nonchalant, en homme qui ne prend pas souci qu'on
l'ait ou qu'on ne l'ait pas attendu.
Grande fut la surprise d'Aurelien, grande fut sa joie.
Le bienheureux hasard sur lequel il avait compte se realisait enfin:
celui qui venait n'etait autre que le fils de madame de la Roche-Odon,
le frere de Berengere,--le prince Michel Sobolewski.
Ils etaient donc en face l'un de l'autre.
Mais quel malheur que Vaunoise ne fut pas dans ce salon pour les mettre
en rapport!
Il fallait qu'Aurelien se presentat seul, et la chose etait assez
delicate.
En aurait-il le temps, d'ailleurs? Les portes n'allaient-elles pas
s'ouvrir pour l'audience; et apres avoir impatiemment attendu cette
audience, il desira qu'elle fut retardee.
Comment aborder Michel? que lui dire?
L'attitude qu'avait prise le jeune prince ne rendait pas la tache
facile.
Il s'etait assis sur un fauteuil, et les jambes allongees, la tete
renversee, il promenait tout autour du salon un regard dedaigneux et
ennuye.
Comment aller a lui? Sous quel pretexte?
Cependant Aurelien, venant a la fenetre pres de laquelle Michel s'etait
installe, se rapprocha peu a peu du siege que celui-ci occupait.
Il importait de ne pas s'exposer a une rebuffade et de proceder
sagement.
Comme il cherchait cette facon de proceder, le pretre qui tournait si
legerement sur ses talons vint a son tour dans l'embrasure de la fenetre
et se mit a regarder au loin par-dessus la ville,
|