o jusqu'a la porte du
Peuple et de la jusqu'au Pincio pour rencontrer son ami.
Si le Corso ne merite nullement l'eloge qu'en a fait Stendhal, qui a
dit que c'etait la plus belle rue de l'univers, par contre le jardin
du Pincio est digne de sa reputation; d'autres promenades a Londres,
a Paris, a Vienne, sont ou plus etendues ou plus champetres ou mieux
dessinees, mais on chercherait vainement ailleurs quelque chose de
comparable a la vue qui du haut de cette colline se deroule sur la
ville de Rome, le cours du Tibre, Saint-Pierre et, au loin, la campagne
romaine; avec cette vue devant les yeux on n'est pas sensible a
l'etroitesse de ce petit jardin, pas plus qu'on ne remarque les affreux
bustes des grands hommes illustres ou inconnus qui servent de bouteroues
a ses allees.
Quand Aurelien n'avait pas rencontre Vaunoise dans le Corso, il etait
a peu pres sur de le trouver aux environs d'un palmier qui, a cette
epoque, formait le centre du Pincio, et autour duquel tout Rome venait
tourner et se montrer pendant que jouait la musique militaire.
Alors, fidele a son role de cicerone, Vaunoise lui designait et lui
nommait tous ceux et toutes celles qui defilaient lentement, a la
queue, devant eux: le roi, accompagne de son grand ecuyer, le comte
Castellengo; le prince Humbert, en petit phaeton a rechampis rouges,
avec le comte Brambilla pres de lui; la princesse de Piemont en caleche,
sur le siege de laquelle se tiennent raides et dignes ses valets de pied
en livree rouge, et ayant a ses cotes la duchesse Sforza Cesarini et le
marquis Calabrini; dans un coupe, la princesse Ginelti, nee de Valmy; la
marquise Lavaggi; les quatre soeurs Bonaparte, la comtesse Roccogiovine,
dont Sainte-Beuve a parle sous le nom de princesse Julie; la princesse
Gabrielli, la comtesse Campello, la comtesse Primoli; et encore, a
cheval, M. Ludovico Brazza; le prefet de Rome, le comte Gadda; le duc
de Ripalda, qui fut ambassadeur a Paris, et tous les etrangers, les
etrangeres: Anglais, Russes, Americains, qui, durant l'hiver, foisonnent
a Rome: la comtesse Strogonoff, la princesse Bariatinski, le directeur
de l'Academie de France, le peintre Hebert, et vingt autres, et cent
autres.
Ce n'etaient pas seulement les noms de ceux qui tournaient devant
eux que Vaunoise enumerait, c'etait encore, selon sa promesse, leurs
histoires qu'il racontait.
Il savait tout, et si la diplomatie est l'art de connaitre la chronique
scandaleuse et les histoires i
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