ur les neuf heures du matin
chez vous; j'ai bien des choses a vous dire: je crois que je vais sortir
de chez la dame que vous savez; elle ne peut plus ignorer la malheureuse
passion que j'ai prise pour elle, et dont je ne guerirai jamais._
Mme. ARGANTE.
De la passion, entendez-vous, ma fille?
LE COMTE _lit_.
_Un miserable ouvrier que je n'attendois pas est venu ici m'apporter la
boite de ce portrait que j'ai fait d'elle._
Mme. ARGANTE.
C'est-a-dire que le personnage sait peindre.
LE COMTE _lit_.
_J'etois absent, il l'a laissee a une fille de la maison._
Mme. ARGANTE, _a Marton_.
Fille de la maison, cela vous regarde.
LE COMTE _lit_.
_On a soupconne que ce portrait m'appartenoit: ainsi je pense qu'on va
tout decouvrir, et qu'avec le chagrin d'etre renvoye et de perdre le
plaisir de voir tous les jours celle que j'adore..._
Mme. ARGANTE.
Que j'adore! ah! que j'adore!
LE COMTE _lit_.
_J'aurai encore celui d'etre meprise d'elle._
Mme. ARGANTE.
Je crois qu'il n'a pas mal devine celui-la, ma fille.
LE COMTE _lit_.
_Non pas a cause de la mediocrite de ma fortune, sorte de mepris dont je
n'oserois la croire capable..._
Mme. ARGANTE.
Eh! pourquoi non?
LE COMTE _lit_.
_Mais seulement a cause du peu que je vaux aupres d'elle, tout honore que
je suis de l'estime de tant d'honnetes gens._
Mme. ARGANTE.
Et en vertu de quoi l'estiment-ils tant?
LE COMTE _lit_.
_Auquel cas je n'ai plus que faire a Paris. Vous etes a la veille de vous
embarquer, et je suis determine a vous suivre._
Mme. ARGANTE.
Bon voyage au galant.
M. REMY.
Le beau motif d'embarquement!
Mme. ARGANTE.
He bien! en avez-vous le coeur net, ma fille?
LE COMTE.
L'eclaircissement m'en paroit complet.
ARAMINTE, a Dorante.
Quoi! cette lettre n'est pas d'une ecriture contrefaite? Vous ne la niez
point?
DORANTE.
Madame...
ARAMINTE.
Retirez-vous.
M. REMY.
Eh bien! quoi? c'est de l'amour qu'il a; ce n'est pas d'aujourd'hui que
les belles personnes en donnent, et, tel que vous le voyez, il n'en a pas
pris pour toutes celles qui auroient bien voulu lui en donner. Cet amour-
la lui coute quinze mille livres de rente, sans compter les mers qu'il
veut courir; voila le mal: car, au reste, s'il etoit riche, le personnage
en vaudroit bien un autre; il pourroit bien dire qu'il adore.
(_Contrefaisant madame Argante._) Et cela ne seroit point si ridicule.
Accommodez-vous; au reste,
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