e improvisee, elle est
du ton rose le plus fin et le plus pur; son attitude et son accent sont
singulierement degages.
--Grand'mere, donnez-moi a boire! crie-t-elle d'une voix fraiche et
forte en s'arretant au bas de l'escalier. Je suis crevee de soif.
La grand'mere lui passe un verre d'eau fraiche, qu'elle avale d'un
trait, et qu'elle savoure apres coup, en faisant claquer sa langue, en
riant et en montrant ses deux rangees de petites dents eblouissantes,
qui sont le cachet de la race locale. La sueur miroite sur ses joues,
son oeil est anime, sa figure hardie et candide.
Elle s'en va charger son cheval au champ, et rapporter le ble a la
grange. Ses mouvements sont souples et assures, son rire est harmonieux;
son entrain est d'un garcon, mais sa figure est d'une femme charmante,
et, fouaillant son cheval, sur lequel elle se tient, je ne sais comment,
perchee sur cette haute cage, elle descend cranement le sentier rapide.
Ainsi vaillante au travail et triomphante au soleil, cette Ceres
berrichonne est d'une beaute etrange mais incontestable.
Une autre beaute brune, mais pale et grave d'expression, un peu lourde
et nonchalante d'allures, merite une mention particuliere. Amyntas l'a
baptisee la belle Therance, bien qu'elle ne rendit pas le type du
Bourbonnais auquel ce nom se rapporte.
Je vous la nomme ainsi pourtant pour memoire, car cette beaute doit
avoir une histoire quelconque, et nous la saurons pour la raconter s'il
y a lieu.
Mais ce n'est pas le moment d'etudier la vie de sentiment ici. La
moisson absorbe tout; c'est le point de depart d'une annee de richesse
ou de gene. La jeunesse, la beaute ou la grace, y cooperent avec autant
d'activite que la force virile, et cela se fait si resolument et si
gaiement, que l'on ne songe point a plaindre le sexe faible. Il semble
que cette epithete serait injurieuse ici, et que la vigueur des muscles
soit, comme dans l'oeuvre de Michel-Ange, la base et la cause premiere
de la beaute feminine dans ses types de choix.
Il y a pourtant aussi des types tres-fins et tres-delicats, probablement
peu apprecies, et cette beaute d'expression etonnee et ingenue de
l'adolescence que l'on chercherait en vain ailleurs que dans les
campagnes.
Dans les villes, la physionomie de l'enfance passe sans transition a
celle de la jeune fille serieuse ou agacante.
Aux champs, cet age mixte est comme un temps d'arret ou l'etre attend
son complement sans que l'imagination le devance
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