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autres diamants de ce recueil breton attestent la richesse la plus
complete a laquelle puisse pretendre une litterature lyrique. Il est
meme fort etrange que cette litterature, revelee a la notre par une
publication qui est dans toutes les mains depuis plusieurs annees, n'y
ait pas fait une revolution. Macpherson a rempli l'Europe du nom
d'Ossian; avant Walter Scott, il avait mis l'Ecosse a la mode. Vraiment,
nous n'avons pas assez fete notre Bretagne, et il y a encore des lettres
qui n'ont pas lu les chants sublimes devant lesquels, convenons-en, nous
sommes comme des nains devant des geants. Singulieres vicissitudes que
subissent le beau et le vrai dans l'histoire de l'art!
Qu'est-ce donc que cette race armoricaine qui s'est nourrie, depuis le
druidisme jusqu'a la chouannerie, d'une telle moelle? Nous la savions
bien forte et fiere, mais pas grande a ce point avant qu'elle eut chante
a nos oreilles. Genie epique, dramatique, amoureux, guerrier, tendre,
triste, sombre, moqueur, naif, tout est la! Et au-dessus de ce monde de
l'action et de la pensee plane le reve: les sylphes, les gnomes, les
djinns de l'Orient, tous les fantomes, tous les genies de la mythologie
paienne et chretienne voltigent sur ces tetes exaltees et puissantes. En
verite, aucun de ceux qui tiennent une plume ne devrait rencontrer un
Breton sans lui oter son chapeau.
Nous voici bien loin de notre humble Berry, ou j'ai pourtant retrouve,
dans la memoire des chanteurs rustiques, plusieurs romances et ballades
exactement traduites, en vers naifs et bien berrichons, des textes
bretons publies par M. de la Villemarque. Revendiquerons-nous la
propriete de ces creations, et dirons-nous qu'elles ont ete traduites du
berrichon dans la langue bretonne? Non.--Elles portent clairement leur
brevet d'origine en tete. Le texte dit: _En revenant de Nantes_, etc.
Et ailleurs: _Ma famille de Nantes_, etc.
Le Berry a sa musique, mais il n'a pas sa litterature, ou bien elle
s'est perdue comme aurait pu se perdre la poesie bretonne si M. de la
Villemarque ne l'eut recueillie a temps. Ces richesses inedites
s'alterent insensiblement dans la memoire des bardes illettres qui les
propagent. Je sais plusieurs complaintes et ballades berrichonnes qui
n'ont plus ni rime ni raison, et ou, ca et la, brille un couplet d'une
facture charmante, qui appartient evidemment a un texte original
affreusement corrompu quant au reste.
Pour etre privee de ses archives poetiques,
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