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et patient que rien ne rebute, et qui porte l'effort constant de sa vie
dans des solitudes ou nul autre que lui ne voudrait planter sa tente?
Rien ne le rebute dans cette tache d'isolement et de labeur. Donnez-lui
ou confiez-lui a de bonnes conditions un peu de terre, fut-ce sur la
cime d'un rocher ou sur le bord d'un torrent devastateur, il trouvera
moyen de s'y installer. Il ne vous demandera ni chemin, ni vastes
etablissements, ni depenses serieuses. Acclimate et habitue a tous les
inconvenients de la region ou il est ne, il persiste a travailler et a
vivre quelquefois dans des conditions devant lesquelles reculeraient des
colonies amenees a grands frais. Les grandes decouvertes modernes de
l'agriculture, les machines et le drainage, ne sont applicables qu'aux
plaines. Dans les regions accidentees ou les transports ne se font qu'a
dos de mulet, la beche, c'est-a-dire le bras de l'homme, peut seul tirer
parti de ces precieux filons de terre extrafine qui glissent et
s'accumulent dans les intervalles des rochers. Qui de nous voudrait se
charger de disputer, sa vie durant, ce terreau a la roche qui l'enserre,
et d'habiter cette chaumiere isolee au bord du precipice? Le paysan s'y
plait cependant, hiver comme ete; il s'y acharne contre l'eau fougueuse
et la pierre obstinee! Creuser et briser, voila toute sa vie. C'est une
vie d'ermite, c'est un travail de castor. Cet homme aurait le droit
d'etre sauvage. Loin de la, il est doux, hospitalier, enjoue; il prend
en amitie le passant qui regarde son labeur et admire sa montagne. Ce
que nous disons la ne s'applique pas en particulier aux bords de la
Creuse, qui ne sont que des gorges profondes, sillonnant de vastes
plateaux fertiles et praticables; mais, si nous avons raison
relativement a d'etroits espaces dont le paysan sait, a force de
patience, utiliser les escarpements, combien notre sollicitude ne
doit-elle pas s'etendre a des populations entieres, oubliees et perdues
dans les montagnes arides qui sillonnent d'autres parties de la France!
GARGILESSE
Grace a une bonne tendance generale, les artistes et les poetes
commencent a savoir et a dire que la France est un des plus beaux pays
du monde, et qu'il n'est pas necessaire, comme on l'a cru trop longtemps
et comme la mode le pretend encore, de franchir les Alpes pour trouver
la nature belle et le ciel doux. Si, comme toutes les vastes contrees,
la France a de vastes espaces encore incultes et frappes d'une ap
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