Ainsi nous
avons cherche, et il reste a trouver: c'est le dernier mot a des
questions bien plus graves.
A deux lieues de Boussac, a travers des sentiers de sable fin seme de
rochers, et souvent perdus dans la bruyere, on arrive aux pierres
Jomatres, ou _Jo-math_, comme disent nos savants, ou _Jomares_, comme
disent les rustiques. C'est un veritable cromlech gaulois, dont j'ai
peut-etre beaucoup trop parle dans un roman intitule _Jeanne_, mais que
l'on peut toujours explorer avec interet, qu'on soit artiste ou savant.
Le lieu est austere, decouvert et imposant, sous un ciel vaste et jete
au sein d'une nature pale et depouillee qui a un grand cachet de
solitude et de tristesse.
V
LES BORDS DE LA CREUSE
L'histoire des manoirs feodaux des bords de la Creuse n'offre, durant
tout le moyen age, qu'un serie de petites guerres de voisin a voisin,
et l'on pourrait dire de cousin a cousin. Il ne parait pas que ces
turbulents hobereaux aient pris souvent parti dans les grandes guerres
civiles qui desolaient la France. Leurs exploits se tournaient vers les
croisades, ou plusieurs ont acquis du renom et depense leur bien.
Aussitot rentres chez eux, ils n'avaient plus pour aliment a leur
activite que les proces, presque toujours denoues a main armee. Ils se
mariaient dans le pays, c'est-a-dire que toutes les familles nobles
etaient assez etroitement alliees les unes aux autres; mais il ne parait
pas que ce fut une raison pour s'entendre. Il n'est guere de succession
qui n'ait donne lieu a des querelles, a des combats et a des assauts
plus ou moins meurtriers.
Il resulte de la petitesse des interets personnels qui se sont debattus
dans ces romantiques demeures, que l'histoire des chatellenies
berruyeres et marchoises, bien que tres-agitee, est sans attrait reel.
Quelques episodes comiques, quelques discussions et conventions bizarres
entre les couvents et les chateaux, a propos de redevances et de dimes
contestees, viennent seuls rompre la monotonie de ces eternelles
escarmouches.
Apres la feodalite, les vieilles forteresses prennent parti dans les
guerres de religion, mais presque toujours avec un caractere de
personnalite fort etroit. C'est pourquoi l'on peut dire que nul pays n'a
moins d'histoire que le bas Berry. Le dernier siege que soutint le vieux
manoir de Gargilesse fut livre contre un partisan du grand Conde.
L'affaire dura vingt-quatre heures; un gendarme y fut blesse, la petite
garnison se rendit _fa
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