isposition des nerfs et de la circulation du sang, qu'on donne pour
cause a l'audition ou a la vision d'objets fantastiques, comment
est-elle simultanee chez plusieurs individus reunis? Je n'en sais rien
du tout.
Mais pourquoi ne pas admettre qu'un homme qui vit au sein des forets,
qui peut, a toutes les heures du jour et de la nuit, surprendre et
observer les moeurs des animaux sauvages, aurait pu decouvrir, par
hasard, ou par un certain genie d'induction, le moyen de les soumettre
et de s'en faire aimer? J'irai plus loin: pourquoi n'aurait-il pas un
certain fluide, sympathique a certaines especes? Nous avons vu, de nos
jours, de si intrepides et de si habiles dompteurs d'animaux feroces en
cage, qu'un effort de plus, et on peut admettre la domination de
certains hommes sur les animaux sauvages en liberte.
Mais pourquoi ces hommes cacheraient-ils leur secret, et ne
tireraient-ils pas profit et vanite de leur puissance?
Parce que le paysan, en obtenant d'une cause naturelle un effet tout
aussi naturel, ne croit pas lui-meme qu'il obeit aux lois de la nature.
Donnez-lui un remede dont vous lui demontrerez simplement l'efficacite,
il n'y aura aucune confiance; mais joignez-y quelque parole
incomprehensible en le lui administrant, il en aura la foi. Confiez-lui
le _secret_ de guerir le rhume avec la racine de guimauve, et dites-lui
qu'il faut l'administrer apres trois signes cabalistiques, ou apres
avoir mis un de ses bas a l'envers, il se croira sorcier, tous le
croiront sorcier a l'endroit du rhume. Il guerira tout le monde par la
foi autant que par la guimauve, mais il se gardera bien de dire le nom
de la plante vulgaire qui produit ce miracle. Il en fera un mystere; le
mystere est son element.
Je ne parlerai pas ici de ce qu'on appelle chez nous et ailleurs le
_secret_, ce serait une digression qui me menerait trop loin. Je me
bornerai a dire qu'il y a un _secret_ pour tout, et presque tous les
paysans un peu graves et experimentes ont le _secret_ de quelque chose,
sont sorciers par consequent, et croient l'etre. Il y a le secret des
boeufs, que possedent tous les bons metayers; le secret des vaches, qui
est celui des bonnes metayeres; le secret des bergeres, pour faire
foisonner la laine; le secret des potiers, pour empecher les pots de se
fendre au fond; le secret des cures, qui charment les cloches pour la
grele; le secret du mal de tete, le secret du mal de ventre, le secret
de l'entorse et de la foulure; l
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