illustres, ont eu
des apparitions qui n'ont trouble ni leur jugement ni leur sante, et
dont cependant il n'a pas dependu d'eux tous de ne pas se sentir
affectes plus ou moins apres coup.
Parmi grand nombre d'interessants ouvrages publies sur ce sujet, il
faut noter celui du docteur Brierre de Boismont, qui analyse aussi bien
que possible les causes de l'hallucination. Je n'apporterai apres ces
travaux serieux qu'une seule observation utile a enregistrer, c'est que
l'homme qui vit le plus pres de la nature, le sauvage, et apres lui le
paysan, sont plus disposes et plus sujets que les hommes des autres
classes aux phenomenes de l'hallucination. Sans doute, l'ignorance et la
superstition les forcent a prendre pour des prodiges surnaturels ces
simples aberrations de leurs sens; mais ce n'est pas toujours
l'imagination qui les produit, je le repete; elle ne fait le plus
souvent que les expliquer a sa guise.
Dira-t-on que l'education premiere, les contes de la veillee, les recits
effrayants de la nourrice et de la grand'mere disposent les enfants et
meme les hommes a eprouver ce phenomene? Je le veux bien. Dira-t-on
encore que les plus simples notions de physique elementaire et un peu de
moquerie voltairienne en purgeraient aisement les campagnes? Cela est
moins certain. L'aspect continuel de la campagne, l'air qu'il respire a
toute heure, les tableaux varies que la nature deroule sous ses yeux, et
qui se modifient a chaque instant dans la succession des variations
atmospheriques, ce sont la pour l'homme rustique des conditions
particulieres d'existence intellectuelle et physiologique; elles font de
lui un etre plus primitif, plus normal peut-etre, plus lie au sol, plus
confondu avec les elements de la creation que nous ne le sommes quand la
culture des idees nous a separes, pour ainsi dire, du ciel et de la
terre, en nous faisant une vie factice enfermee dans le moellon des
habitations bien closes. Meme dans sa hutte ou dans sa chaumiere, le
sauvage ou le paysan vit encore dans le nuage, dans l'eclair et le vent
qui enveloppent ces fragiles demeures. Il y a sur l'Adriatique des
pecheurs qui ne connaissent pas l'abri d'un toit; ils dorment dans leur
barque, couverts d'une natte, la face eclairee par les etoiles, la barbe
caressee par la brise, le corps sans cesse berce par le flot. Il y a des
colporteurs, des bohemiens, des conducteurs de bestiaux qui dorment
toujours en plein air, comme les Indiens de l'Amerique du Nord.
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