rations
musicales qui font souvent saigner les oreilles, mais qui parfois aussi
frappent de respect et d'admiration par l'habilete, l'originalite, la
beaute des modulations ou des interpretations. On est tente alors de se
demander si cette violation hardie des regles n'est pas seulement la
violation heureuse de nos habitudes, et si la musique, comme la langue,
n'est pas quelque chose a cote et meme en dehors de tout ce que nous
avons invente et consacre.
Apres la danse, le mariage, la fete, voici la derniere solennite: la
mort, la sepulture. Dans un large chemin pierreux, borde de tetaux
sinistres denudes par l'hiver, par une journee de gelee claire et
froide, vous rencontrez quelquefois un char rustique traine par quatre
jeunes taureaux nouvellement lies au joug. C'est le corbillard du
paysan. Ses fils conduisent l'attelage, l'aiguillon releve, le chapeau a
la main. De chaque cote viennent les femmes, couvertes, en signe de
deuil, de leurs grandes mantes gros bleu, avec le capuchon sur la tete.
Elles portent des cierges. Au prochain carrefour, on s'arretera pour
deposer, au pied de la grande croix de bois qui marque ces rencontres de
quatre voies, une petite croix grossierement taillee dans un copeau. A
chaque carrefour, meme ceremonie. Cet embleme depose et plante autour
de l'embleme du salut est l'hommage rendu par le mort qui fait sa
derniere course a travers la campagne pour gagner son dernier gite.
C'est par la qu'il se recommande aux prieres des passants. Il n'est pas
de croix de carrefour qui ne soit entouree de ces petites croix des
funerailles. Elles y restent jusqu'a ce qu'elles tombent en poussiere ou
que les troupeaux, moins respectueux que les enfants qui jouent autour
sans y toucher, les aient dispersees et brisees sous leurs pieds. Quand
le cortege d'enterrement arrive la, on rallume les cierges, on
s'agenouille, on psalmodie une priere, on jette de l'eau benite sur le
cercueil, et on se remet en route dans un profond silence. Nulle part je
n'ai vu l'appareil de la mort plus grand, plus austere et plus religieux
dans son humble simplicite.
Lorsque le christianisme s'introduisit dans les campagnes de la vieille
France, il n'y put vaincre le paganisme qu'en donnant droit de cite dans
son culte a diverses ceremonies antiques pour lesquelles les paysans
avaient un attachement invincible. Tels furent les honneurs rendus aux
images et aux statuettes des saints placees dans certains carrefours, ou
sous la v
|