une image n'est douee de vertu
miraculeuse dans le sens materiel que la superstition y attache. Le
conseil de fabrique me savait tres-mauvais gre de ne pas speculer sur la
credulite populaire."
Ce cure n'est pas le seul a qui j'aie vu deplorer le materialisme de la
religion du paysan. Plusieurs defendent d'employer le buis benit au coin
des champs comme preservatif de la grele, et de faire des pelerinages
pour la guerison des betes; mais on ne les ecoute guere, on les trompe
meme. On extorque leurs benedictions comme douees d'un charme magique,
en leur signalant un but qui n'est pas le veritable. On mele volontiers
des objets benits aux malefices, ou, sous des noms mysterieux, des
divinites etrangeres au christianisme sont invoquees tout bas. Le
sorcier des campagnes a, dans l'esprit, un singulier melange de crainte
de Dieu et de soumission au diable, dont nous parlerons peut-etre dans
l'occasion.
Disons, en passant, que le remegeux et la remegeuse sont parfois des
etres fort extraordinaires, soit par la puissance magnetique dont les
investit la foi de leur clientele, soit par la connaissance de certains
remedes fort simples que le paysan accepte d'eux, et qu'il ne croirait
pas efficaces venant d'un medecin veritable. La science toute nue ne
persuade pas ces esprits avides de merveilles; ils meprisent ce qui est
acquis par l'etude et l'experience; il leur faut du fantastique, des
paroles incomprehensibles, de la mise en scene. Certaine vieille
sibylle, prononcant ses formules d'un air inspire, frappe l'imagination
du malade, et, pour peu qu'elle explique avec bonheur une medication
rationnelle, elle obtient des parents et des amis qui le soignent ce que
le medecin n'obtient presque jamais: que ses prescriptions soient
observees.
Sans doute, la surveillance de l'Etat fait bien de proscrire et de
poursuivre l'exercice de la medecine illegale, car, dans un nombre
infini de cas, les remegeux administrent de veritables poisons.
Quelques-uns cependant operent des cures trop nombreuses et trop
certaines pour qu'il ne soit pas a desirer de voir l'Etat leur accorder
quelque attention. La tradition, le hasard de certaines aptitudes
naturelles, peuvent les rendre possesseurs de decouvertes qui echappent
a la science, et qui meurent avec eux. Les empecher d'exercer n'est que
sagesse et justice, mais eprouver la vertu de leurs pretendus secrets et
les leur acheter, s'il y a lieu, ce ne serait pas la une recherche
oiseuse ni u
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