CDLXXXVIII
A M. ADOLPHE JOANNE, A PARIS
Nohant, 6 aout 1861.
Cher Monsieur,
J'ai recu vos _Itineraires_ et je vous remercie de votre bon souvenir.
Mes compliments plus que jamais sur ces excellents travaux, qu'on lit
encore au coin du feu comme des livres de voyage, apres s'en etre servi
comme de guides. Ce sont d'immenses recherches et de fatigantes etudes,
je le comprends. Tout honneur et mince profit. Mais l'honneur est
grand. Un gouvernement vraiment progressif encouragerait, aiderait ou
recompenserait de telles entreprises. _Ma!..._
Je suis heureuse d'apprendre que vous etes mieux portant. Je suis a peu
pres guerie apres mille petites rechutes qui ne m'ont pas empechee
de grimper sur toutes les montagnes de la Provence et de faire, en
compagnie de votre _Itineraire_, une course de quelques jours en Savoie.
J'ai ete ravie de ce pays-la. Si vous revenez quelque jour sur les
environs de Toulon, j'ai pris la bien des notes et j'y ai vu des choses
magnifiques, dont aucun _Itineraire_ ne fait mention.
Les gorges d'Ollioules seules sont connues. Mais combien d'autres scenes
plus etranges et plus grandioses a peu de distance. Mes notes sont a
votre service pour une autre edition.
A vous de coeur; bon courage et bonne sante, et, si vous revoyagez,
souvenez-vous de l'auberge de Nohant.
G. SAND.
Je ne vous dis rien de la part de mon fils, vu que, de l'Afrique, il a
passe en Amerique! Mon Dieu, que c'est loin!
CDLXXXIX
A MAURICE SAND, A BORD DU _JEROME-NAPOLEON_
Nohant, 11 aout 1861.
Cher enfant,
J'ai recu ta lettre d'Halifax, et aujourd'hui madame Villot m'ecrit que
votre navire a ete rencontre par un batiment qui signale votre arrivee
a New-York. Elle me dit que l'on peut vous ecrire encore une fois. Ou?
elle ne me le dit pas plus que toi et je suis toujours reduite a ecrire
au hasard, me desolant de l'inquietude que tu peux avoir et ne sachant
pas si M. Hubaine t'a expedie mes lettres. Cette fois, j'envoie par
madame Villot. Peut-etre, des huit ou dix lettres que je t'ai ecrites,
en recevras-tu au moins une!
Dieu veuille que tu ne sois pas inquiet, cher enfant! Je serais bien
fachee de te gater ce beau voyage par un tourment d'esprit. Je me porte
bien et je me defends de toute inquietude pour mon compte, voulant que
tu me retrouves en bon etat de sante morale et physique. Je recois tes
lettres, qui me donnent du cal
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