nsion, de la franchise, il etait
vraiment exceptionnel, et, quand il nous a quittes, a Tamaris, nous
pleurions tous sans savoir pourquoi. Nous nous demandions pourquoi nous
l'aimions tant et avec un exces de sensibilite puerile.
Ce n'etait pas une intelligence extraordinaire; du moins il ne se
faisait remarquer encore que par une facilite extraordinaire, et, comme
il avait une vitalite impetueuse et peu d'application a l'etude, on ne
savait s'il deviendrait ou non un homme distingue. Il etait _coeur_
des pieds a la tete, on peut dire; si aimant et si aimable, qu'on ne
songeait pas a lui demander d'etre autrement qu'il n'etait. Il a eu une
mort atroce, et c'est une amertume de plus dans nos regrets; mort atroce
de souffrance, admirable de courage. Nous avons ete brises, ses pauvres
parents, Ferri, le prince; c'est une consternation.
Mais je te parle de choses bien tristes; l'habitude de nous dire les uns
aux autres tout ce qui nous arrive fait que j'abuse un peu; ne sachant,
du reste, guere parler que de ce qui fait notre vie, et prenant
mutuellement part aux joies ou aux douleurs de nos familles, nous
nous racontons nos evenements domestiques, et ceci en est un grand et
profondement senti a Nohant.
Tu dois avoir lu avec interet le discours de Napoleon a ces ganaches du
Senat. C'est bon et bien a lui de tenir tete a cette reaction furieuse,
et de vouloir pousser l'Empire dans la voie du vrai. Mais l'Empire
entend-il de cette oreille? voila la question!
Maurice s'est jete dans la geologie; mais il a eu gros a secouer. Il
pleure rarement et le chagrin l'etouffe. Il aimait Lucien comme son
enfant. J'ai du lui cacher une partie de mon chagrin. Enfin! je crois a
l'autre vie. Sans cela! Mais la justice infinie reside quelque part, et,
en etudiant la nature, on devient toujours plus convaincu que rien ne se
perd. L'ame, bien autrement precieuse que la matiere, ne se perd donc
pas.
Cher ami, embrasse pour moi Eugenie, Anna, Berthe et Cyprien et toute ta
chere famille. Donne-nous de vos nouvelles a tous et ne craignez pas
de nous parler de vos bonheurs. Nous ne pensons pas qu'a ceux qui nous
quittent, nous aimons d'autant plus ceux qui nous restent.
G. SAND.
DVIII
A SON ALTESSE LE PRINCE NAPOLEON (JEROME), A PARIS
Nohant, 25 fevrier 1862.
Oui, vous seul etes franc et courageux dans cette officine d'hypocrisie.
Ne vous laissez pas effrayer de tous ces cris, marchez toujo
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