tout le monde; et une moralite a ne choquer
personne, tout en restant assez forte pour faire reflechir chacun. Quand
vous aurez ce fonds bien etabli, seconde par les details, vous serez
toujours certain d'avoir fait quelque chose qui en vaut la peine et qui
prouve au spectateur payant qu'il n'est pas vole.
Pour le succes de vogue et d'argent, quel sera-t-il? nul ne peut le
savoir; cela depend beaucoup de l'intelligence de la direction et de son
bon vouloir; et rarement les auteurs ont sujet d'etre contents, parce
que les directeurs cherchent toujours l'argent dans le gros lot de
hasard, sauf a perdre le certain modeste de chaque jour.
Attendez-vous a des miseres, tout le monde est force d'en subir.
Surveillez vos premieres representations en ayant toujours dans la salle
quelques amis vrais et _chauds_, qui entrainent, a point et _a propos_,
le public incertain et distrait par nature. De tels amis intelligents et
devoues sont rares. Si vous n'y pouvez rien, la chose se fera peut-etre
d'elle-meme.
Dans quelques jours, le sort financier de la piece sera decide; vous
confierez alors vos interets a Emile, et vous reviendrez nous trouver
pour travailler au roman et passer tranquille ce charmant hiver qui nous
donne presque tous les jours ici du soleil, des jacinthes et de bonnes
promenades.
Vous verrez Maurice un de ces jours avec sa femme; je ne sais ce qu'ils
resteront de jours ou de semaines a Paris; vous n'aurez pas besoin de
les attendre pour revenir a notre nid, qui est le votre.
Tenez-nous au courant de la deuxieme et de la troisieme representation,
qui ont aussi leur importance; et, si vous etes content, pensez, cher
Almanzor, que nous le sommes bien aussi.
G. SAND.
DXXVI
A M.
Nohant, 26 fevrier 1863.
Le christianisme est une verite abstraite. Pour etre une verite
concrete, une verite vraie, il lui faudrait avoir tenu compte des
notions que vous avez et que je n'ai pas besoin de vous indiquer. Le
christianisme n'est pas mensonge, il est verite incomplete. Arme, de
progres jadis, il est devenu outil de destruction. C'est un tombeau ou
l'humanite enferme le peu qui lui reste de conscience et de lumiere.
Ceci n'est pas la faute du pauvre docteur supplicie: c'est la faute de
ceux qui ont deifie sa memoire. Vous direz mieux que moi ce que vous
savez avoir a dire, et ce que je crois savoir que vous direz. Vos
pages sont tres belles, elevees et profondes, elles s
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