s. D'autres que vous ne connaissez pas vont et viennent.
Mais le grand regret, c'est d'etre force de laisser partir votre gros
ami Marchal. Je ne sais comment ce mastodonte s'y est pris, mais il
s'est fait adorer de tout le monde, a commencer par moi. Il est vrai
qu'il nous a beaucoup gates. Il nous a fait, a tous nos portraits,
merveilleux, charmants comme dessin, et d'une ressemblance que les
portraits n'ont jamais eue. Il ne se doutait pas de ca, lui; il est tout
etonne d'avoir reussi. Il repart dans deux jours pour voir sa mere, qui
s'impatiente, et pour s'envoler ensuite en Alsace. Je ne me rappelle
plus si vous etiez ici quand il a fait ses deux esquisses de tableaux
alsaciens. C'est tres remarquable. Il ne connait pas la peinture; mais
il dessine joliment bien. C'est un contraste a etudier que cette grosse
nature faisant si delicatement des choses si elegantes. Les Flamands
n'expliquent pas ca; car, s'ils ont le fini des details, ils n'ont pas
la grace des types.
Que vous dirai-je de moi? Rien d'interessant. J'ai flane d'une maniere
insensee, regardant la premiere page d'un roman commence et me laissant
distraire par mille autres reveries. Ca ne fait rien, le temps ou l'on
s'amuse, _psychiquement_ parlant, n'est pas tout a fait perdu. On vous
attend pour retrouver un peu de sens commun _litteraire_. Je crois que
c'est _le Drac_ qui est venu tout de bon se glisser dans nos jeux pour
nous empecher de faire rien qui vaille. Vous me disiez que, de votre
cote, ca n'allait pas, le _Villemer_. A l'heure qu'il est, je suis sure
que ca va tres bien ou que ca a _rete_ tres bien, et puis mal et puis
mieux. Il n'y a rien de plus changeant que le temps qu'il fait dans nos
cervelles d'auteur; mais, pour ceux qui ont du vrai soleil derriere
leurs nuages, ca n'est jamais inquietant.
Pourvu que vous reveniez bientot, on est content et on se console de
tous les departs. Mais ne nous dites pas que vous ne pensez plus a nous
et que vous ne nous aimez pas comme nous vous aimons. On vous embrasse
en masse, et on envoie de bons souvenirs autour de vous.
G. SAND.
DI
A M. ARMAND BARBES, A LA HAYE
Nohant, 1er decembre 1861.
Mon ami,
Calmez-vous et soignez-vous. Quelque decision que vous preniez, vous
savez bien qu'on vous cherit toujours. Ne m'ecrivez pas maintenant: j'ai
vu, a votre ecriture, que cela vous fatigue. N'etablissez pas de combat
douloureux dans votre ame; reposez-vous,
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