ur ma consommation personnelle; pas un souffle de vent, et
un ciel aussi bleu que le votre.
J'ai recu, par madame Trucy, de bonnes nouvelles de sa famille et de
Tamaris. Tout y va bien, meme le cher Bou-Maza, dont vous nous avez fait
porter le deuil je ne sais pas pourquoi.
Il y a bien longtemps que je veux vous ecrire; mais j'ai tant de monde
en septembre et en octobre, qu'il n'y a pas moyen de causer avec les
absents. La maison ne peut pas desemplir. Mais, en novembre, tout file
et on reprend les occupations raisonnables.
CDXCIX
A M. ALEXANDRE DUMAS FILS, A PARIS,
Nohant, 7 novembre 1861.
Mon cher fils,
Si ma dedicace vous fait plaisir[1], je suis assez remerciee par ce
fait-la, sans que vous me disiez un mot. Vous m'avez donne a Nohant un
gros baiser, ca disait tout. On veut que je sois un personnage. Moi, je
ne veux etre que votre maman. Vous avez du coeur, puisque vous m'aimez,
et je ne vous demande que ca. Je ne me suis jamais apercue de ma
_superiorite_ en quoi que ce soit, puisque je n'ai jamais pu faire ce
que j'ai concu et reve, que d'une maniere tres inferieure a mon idee. On
ne me fera donc jamais croire, a moi, que j'en sais plus long que les
autres. Restee enfant a tant d'egards, ce que j'aime le mieux dans
les individualites de votre force, c'est leur bonhomie et leur doute
d'elles-memes. C'est, a mon sens, le principe de leur vitalite; car
celui qui se couronne de ses propres mains a donne son dernier mot.
S'il n'est pas fini, on peut du moins dire qu'il est acheve et qu'il
se soutiendra peut-etre, mais qu'il n'ira pas au dela. Tachons donc de
rester tout jeunes et tout tremblants jusqu'a la vieillesse, et de
nous imaginer, jusqu'a la veille de la mort, que nous ne faisons que
commencer la vie; c'est, je crois, le moyen d'acquerir toujours un peu,
non pas seulement en talent, mais aussi en affection et en bonheur
interieur.
Ce sentiment que _le tout_ est plus grand, plus beau, plus fort et
meilleur que nous, nous conserve dans ce beau reve que vous appelez les
illusions de la jeunesse, et que j'appelle, moi, l'ideal, c'est-a-dire
la vue et le sens du vrai eleve par-dessus la vision du ciel rampant.
Je suis optimiste en depit de tout ce qui m'a dechiree, c'est ma seule
qualite peut-etre. Vous verrez qu'elle vous viendra.
A votre age, j'etais aussi tourmentee et plus malade que vous au moral
et au physique. Lasse de creuser les autres et moi-meme,
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