Bonsoir, chere fille; je t'embrasse, je vous embrasse tous bien fort.
TA MARRAINE.
[1] Qui cherchait un titre pour l'ouvrage d'abord intitule _Evenor
et Leucippe_, et qui s'est definitivement appele _les Amours de
l'age d'or_.
DXX
A MADAME D'AGOULT, A PARIS
Nohant, 23 octobre 1862.
Chere Marie,
J'ai appris bien tard le malheur affreux qui vous a frappee. Je le
ressens vivement; et, qu'il soit tard ou non pour vous le dire, je veux
que vous me comptiez au nombre de ceux que vos douleurs affecteront
toujours profondement. C'est dans ces tristes ebranlements de la vie que
l'on sent la duree des chaines de l'affection et comme le reveil de
tout ce que le coeur avait mis en commun de joies et de peines. Vous
me felicitiez recemment d'avoir acquis une fille charmante, et vous en
perdez une accomplie[1].
Croyez que l'egoisme naturel au bonheur s'arrete ici et que je souffre
de votre mal. Et puis qu'est-ce que le bonheur quand un jour imprevu
nous le brise? Qui peut compter sur le soleil de demain? Votre ame si
elevee, votre esprit, qui a touche aux plus hautes solutions de la
pensee, a sans doute puise des forces supremes dans l'espoir confiant
d'une vie meilleure. Je n'ai donc rien a vous dire pour vous consoler
que vous ne sachiez mieux que moi.
Ce que je vous apporte, c'est un grand respect pour vos larmes et une
grande tendresse pour vos dechirements.
GEORGE.
[1] Madame Emile Ollivier.
DXXI
A SON ALTESSE LE PRINCE NAPOLEON (JEROME), A PARIS
Nohant, 14 decembre 1862.
Merci a vous, cher prince, pour la brochure que vous avez bien voulu me
faire envoyer. J'ai ete un peu malade ces jours derniers. Je n'ai pu la
lire que cette nuit; tous ces documents sont tres frappants et de la
plus grande utilite. Esperons qu'ils ajouteront leur poids a la somme de
reflexions que le public et le gouvernement devraient faire un peu moins
longues ou un peu moins _indifferentes_ au salut de l'Italie et de la
France.
Devant l'envahissement du pouvoir clerical, il me semble que la France
est encore plus menacee que l'Italie. Est-ce une finesse de l'empereur
pour laisser constituer chez nous une Eglise gallicane pendant que celle
de Rome tomberait? Le jeu serait habile, mais perilleux. Le pretre
peut bien ruser au plus fin, gallican ou non, et je ne vois pas ce que
l'honneur francais gagne a remporter ce genre de vi
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