le jeune Polonais.
-- Sulkowsky, dit-il, prenez quinze guides, et allez voir ce que
nous veut cette canaille.
Sulkowsky se leva.
-- General, dit Roland, chargez-moi de la commission; vous voyez
bien que mon camarade peut a peine se tenir debout.
-- C'est juste, dit Bonaparte; va.
Roland sortit, prit quinze guides et partit.
Mais l'ordre avait ete donne a Sulkowsky, et Sulkowsky tenait a
l'executer.
Il partit de son cote avec cinq ou six hommes qu'il trouva prets.
Soit hasard, soit qu'il connut mieux que Roland les rues du Caire,
il arriva quelques. secondes avant lui a la porte de la Victoire.
En arrivant a son tour, Roland vit un officier que les Arabes
emmenaient; ses cinq ou six hommes etaient deja tues.
Quelquefois les Arabes, qui massacraient impitoyablement les
soldats, epargnaient les officiers dans l'espoir d'une rancon.
Roland reconnut Sulkowsky; il le montra de la pointe de son sabre
a ses quinze hommes, et chargea au galop.
Une demi-heure apres, un guide rentrait seul au quartier general,
annoncant la mort de Sulkowsky, de Roland et de ses vingt et un
compagnons.
Bonaparte, nous l'avons dit, aimait Roland comme un frere, comme
un fils, comme il aimait Eugene; il voulut connaitre la
catastrophe dans tous ses details et interrogea le guide.
Le guide avait vu un Arabe trancher la tete de Sulkowsky et
attacher cette tete a l'arcon de sa selle.
Quant a Roland, son cheval avait ete tue. Pour lui, il s'etait
degage des etriers et avait combattu un instant a pied; mais
bientot il avait disparu dans une fusillade presque a bout
portant.
Bonaparte poussa un soupir, versa une larme, murmura: "Encore un!"
et sembla n'y plus penser.
Seulement, il s'informa a quelle tribu appartenaient les Arabes
bedouins qui venaient de lui tuer deux des hommes qu'il aimait le
mieux.
Il apprit que c'etait une tribu d'Arabes insoumis dont le village
etait distant de dix lieues a peu pres.
Bonaparte leur laissa un mois, afin qu'ils crussent bien a leur
impunite; puis, un mois ecoule, il ordonna a un de ses aides de
camp, nomme Croisier, de cerner le village, de detruire les
buttes, de faire couper la tete aux hommes, de mettre les tetes
dans des sacs, et d'amener au Caire le reste de la population,
c'est-a-dire les femmes et les enfants.
Croisier executa ponctuellement l'ordre; on amena au Caire toute
la population de femmes et d'enfants que l'on put prendre, et,
parmi cette population, un Arabe
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