creole, etait loin d'avoir les apres vertus d'une
mere de Sparte ou de Lacedemone.
Bonaparte, qui aimait de tout son coeur son ancien camarade de
l'Ecole militaire, avait permis a celui-ci de le rejoindre au
dernier moment a Toulon.
Mais la peur d'arriver trop tard empecha Roland de profiter de la
permission dans toute son etendue. Il quitta sa mere en lui
promettant une chose qu'il n'avait garde de tenir: c'etait de ne
s'exposer que dans les cas d'une absolue necessite, et arriva a
Marseille huit jours avant que la flotte ne mit a la voile.
Notre intention n'est pas plus de faire une relation de la
campagne d'Egypte que nous n'en avons fait une de la campagne
d'Italie. Nous n'en dirons que ce qui sera absolument necessaire a
l'intelligence de cette histoire et au developpement du caractere
de Roland.
Le 19 mai 1798, Bonaparte et tout son etat-major mettaient a la
voile pour l'Orient; le 15 juin, les chevaliers de Malte lui
rendaient les clefs de la citadelle. Le 2 juillet, l'armee
debarquait au Marabout; le meme jour, elle prenait Alexandrie; le
25, Bonaparte entrait au Caire apres avoir battu les mameluks a
Chebreiss et aux Pyramides.
Pendant cette suite de marches et de combats, Roland avait ete
l'officier que nous connaissons, gai, courageux, spirituel,
bravant la chaleur devorante des jours, la rosee glaciale des
nuits, se jetant en heros ou en fou au milieu des sabres turcs ou
des balles bedouines.
En outre, pendant les quarante jours de traversee, il n'avait
point quitte l'interprete Ventura; de sorte qu'avec sa facilite
admirable, il etait arrive, non point a parler couramment l'arabe,
mais a se faire entendre dans cette langue.
Aussi arrivait-il souvent que, quand le general en chef ne voulait
point avoir recours a l'interprete jure, c'etait Roland qu'il
chargeait de faire certaines communications aux muftis, aux ulemas
et aux cheiks.
Pendant la nuit du 20 au 21 octobre, le Caire se revolta; a cinq
heures du matin, on apprit la mort du general Dupuy, tue d'un coup
de lance; a huit heures du matin, au moment ou l'on croyait etre
maitre de l'insurrection, un aide de camp du general mort
accourut, annoncant que les Bedouins de la campagne menacaient
Bab-el-Nasr ou la porte de la Victoire.
Bonaparte dejeunait avec son aide de camp Sulkowsky, grievement
blesse a Salahieh, et qui se levait a grand-peine de son lit de
douleur.
Bonaparte, dans sa preoccupation, oublia l'etat dans lequel etait
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