de virginite, qu'il guettait a travers les salons de Paris, non par gout de debauche, comme Lestrange ou Suberceaux, mais par dilettantisme special de collectionneur. Il l'avait questionnee doucement, paternellement presque, lui parlant de ce frere qu'il avait connu, de ce Poitou, leur pays commun; et l'enfant livrait bientot sa confiance, avec l'abandon des timides, une fois rassures. D'une voix paisible, attenuee, comme ouatee par l'habitude du silence, elle contait son enfance, sa jeunesse la-bas, sans fetes, sans compagnes, -- elevee par sa mere, enseignee par Maxime.
-- Oh ! cherie ! dit Maxime, embrassant la jeune fille sur le front.
-- Voyons, fit Maud, un peu impatiente, que decidons-nous pour demain soir ? M. Aaron et M. de Suberceaux ont leurs places, ainsi que vous, messieurs, ajouta-t-elle en s'adressant aux Le Tessier; vous etes du Tout-Paris. Mme de Chantel et Jeanne partagent notre loge. M. de Chantel voudra bien conduire ces dames ?
-- Je dine avec vos amis, mademoiselle, repondit Maxime, mecontent que Maud eut brise l'entretien, tout a l'heure.
-- Eh bien ! vous nous rejoindrez avec eux, apres diner, voila tout. C'est entendu, n'est-ce pas ?
Elle fixait sur lui un regard adouci: il s'inclina. Suberceaux affectait de ne pas les voir et semblait causer fort attentivement avec Paul Le Tessier.
Mme de Chantel se leva. Aaron baisa la main de Mlle de Rouvre. Il etait pres de sept heures, tout le monde prit conge.
Suberceaux s'approcha de Maud. Elle lui dit:
-- Bien. Un bon point. Vous vous faites pardonner votre mechante humeur de tantot. Vous avez ete convenable.
-- C'est _lui_ ? demanda dedaigneusement le jeune homme, en montrant du regard le dos de Maxime de Chantel.
-- Oui.
-- Il a l'air bien provincial.
Maud dit sechement:
-- C'est un fort galant homme, mon cher, et il vaut mieux...
-- Que moi ?
Maud repliqua:
-- Que nous... Maintenant, ajouta-t-elle, sauvez-vous; n'ayez pas l'air de rester ici apres les autres. A demain.
III
Non, declara Hector Le Tessier (il achevait de diner avec son frere et Maxime, au restaurant Joseph), le monde ou nous nous sommes rencontres hier, mon cher Chantel, n'est pas absolument un monde d'exception; ces jeunes filles que vous avez vues faire la roue devant les hommes, que vous avez entendues rire a des plaisanteries louches, repondre sur le meme ton, -- et encore elles se tenaient devant vous ! -- ne sont pas des jeunes filles tellement exceptionnel
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