ui, mon cher enfant. Et maintenant, au lieu de nous irriter contre ta
mere, prions le bon Dieu qu'il lui ouvre les yeux, comme il l'a fait
pour nous."
Quelques instants apres, le comte et les enfants entrerent au salon,
ou ils trouverent la comtesse qui les attendait pour entrer en meme
temps qu'eux dans la salle a manger. Elle regarda attentivement les
enfants, baissa les yeux en considerant leurs yeux rouges et leurs
visages attristes; levant les yeux sur son mari, elle se sentit rougir
devant sa physionomie severe et pensive.
"Allons diner, dit-elle en se levant; j'ai hate d'avoir fini.
--Serait-il plus tard que je ne pensais? dit le comte. Il me semble
que nous sommes exacts a l'heure comme d'habitude.
--Ce n'est pas pour rassasier ma faim que je desire voir le diner
fini, mais pour pouvoir me retirer chez moi.
--Seriez-vous souffrante, Julie? dit le comte avec empressement.
LA COMTESSE
Non, pas souffrante, mais ennuyee, excedee de ce petit Blaise, qui
vous a tous ensorceles, et qui est cause de vos mines allongees et
attristees.
LE COMTE
En quoi Blaise est-il cause de nos sottes mines?
--En quoi? vous demandez en quoi! s'ecria la comtesse avec chaleur.
N'est-ce pas depuis que je lui ai defendu de venir au chateau que vous
etes tous trois comme des ames en peine?
--Ou des anes en plaine, comme le disait une dame de votre
connaissance, interrompit le comte en riant.
LA COMTESSE
Laissez-moi parler; vos interruptions ne m'empecheront pas de dire que
Blaise est un sot, qu'il vous a rendus tous aussi sots que lui, et que
je vois tres bien que vous prenez aujourd'hui des airs de martyrs,
parce que ce petit bonhomme a ete se plaindre a vous de la defense que
je lui ai faite de voir mes enfants, defense que je maintiendrai et
que je saurai faire respecter.
--Vous n'y aurez pas grand'peine, Julie, repondit le comte avec calme,
car Helene et Jules sont tres decides...
--A me desobeir sous votre protection? interrompit la comtesse avec
vivacite.
--A vous obeir, repondit le comte avec froideur, et a aider Blaise,
par leur obeissance, a executer vos ordres, qu'il respecte, et dont il
m'a donne connaissance, comme c'etait son devoir de le faire. Il n'a
porte aucune plainte contre vous; il a pleure parce qu'il souffrait,
mais sans aucun sentiment amer contre vous, qui causiez sa
souffrance."
La comtesse se troubla et rougit; elle passa dans la salle a manger.
Le diner fut silencieux; la com
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