tesse chercha plusieurs fois a engager
la conversation; elle fut aimable et prevenante, contrairement a son
habitude, cherchant a egayer Helene et Jules, et a derider son mari.
"Vous avez repris votre air terrible, mon ami, dit-elle a son mari en
rentrant au salon; vous l'aviez perdu a mon retour; j'espere que vous
ne le garderez pas; vous me faites peur, ce soir.
--Helene et Jules ne me craignent plus, repondit le comte en serrant
ses enfants dans ses bras; ils savent que tout est change en moi, et
que mon air severe que je regrette et que je me reproche, n'est plus
que le symptome exterieur d'une tristesse que je ne puis vaincre. Vous
me comprendrez un jour, je l'espere, ma chere Julie, et vous serez
alors, comme moi, triste du passe et heureuse du present."
La comtesse repondit legerement au serrement de main du comte; elle
rougit encore, reflechit quelques instants, et, se tournant vers
Jules, elle lui dit avec effort:
"Jules... je suis fachee du chagrin que je te cause; si j'avais de
Blaise l'opinion qu'en a ton pere, je n'aurais jamais defendu son
intimite avec toi... quoiqu'il ne soit que le fils d'un portier
ajouta-t-elle par reflexion; mais... c'est pour toi, pour Helene...
que je crains..., que je crois..., que je veux eviter..."
La comtesse s'arreta, ne sachant comment achever et craignant d'en
avoir trop dit; son mari l'encourageait par un affectueux sourire; ses
enfants la regardaient avec des visages pleins d'esperance.
"Je maintiens ma defense, dit-elle avec plus de decision, jusqu'a ce
que j'aie eprouve l'obeissance de Blaise."
Les visages perdirent leur expression joyeuse; la comtesse resta
troublee et genee; Helene prit son ouvrage, Jules son crayon, le comte
son journal, et la comtesse son livre, qu'elle lisait des yeux et sans
savoir ce qu'elle avait lu; sa pensee etait toute au bon mouvement
qu'elle avait repousse et au regret de ne pas l'avoir ecoute.
XIX
L'ENTORSE
Le lendemain et les jours suivants, le comte alla tres exactement
passer une heure avec Blaise, qu'il emmenait promener dans les champs;
il lui rendait compte de tout ce qui pouvait l'interesser, mais il ne
nommait jamais la comtesse dans ses entretiens.
Un jour, Blaise, ayant mis le pied a faux sur une pierre, tomba
et ressentit une violente douleur a la cheville. Il se releva
difficilement avec l'aide du comte, et retourna a grand'peine chez
lui, soutenu et presque porte par le comte. Mme Anfry s'empressa
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