r,
et que demain..."
Deux cris de joie s'echappent des levres de Jules et d'Helene; le
comte se leve.
LA COMTESSE, _toujours avec calme_
"...que demain nous irons chez toi avant neuf heures, pour que maman
ne le sache pas. Si tu veux, nous pourrons y retourner tous les
jours, matin et soir, en mettant papa dans notre confidence. Nous
t'embrassons bien tendrement, mon bon Blaise; nous t'apporterons
demain des livres, des couleurs, des images a peindre, et tout ce qui
pourra t'amuser."
La plume tomba des mains d'Helene stupefaite; le comte s'approcha de
la comtesse, lui prit la main et lui dit avec emotion:
"Julie, votre intention est bonne, je n'en doute pas, je vous en
remercie; mais vous proposez aux enfants une action deloyale, et vous
leur faites jouer pres du pauvre Blaise le role du demon tentateur.
LA COMTESSE
Je le sais bien, mon ami; aussi n'est-ce pas serieux. Je compte bien
que les enfants ne feront pas la visite dont je parle.
LE COMTE, _d'un air de reproche_
Alors pourquoi leur donner, ainsi qu'a Blaise, le creve-coeur de la
proposer? C'est un jeu cruel, Julie.
LA COMTESSE
Ce n'est pas un jeu, c'est une epreuve. Je veux voir si Blaise est
reellement ce que vous pensez: s'il a le courage de refuser la visite
des enfants, je serai bien ebranlee dans mon opinion; s'il accepte,
j'aurai eu raison.
LE COMTE
Non, ce ne serait qu'une faiblesse bien naturelle dans un enfant
aimant et affaibli par la souffrance. Mais je connais assez ce loyal
et noble caractere pour esperer qu'il sortira victorieux du piege que
vous lui tendez.
LA COMTESSE
Nous verrons bien. Signe la lettre, Helene.
HELENE
Oh! maman! de grace, ce pauvre Blaise! il nous aime tant! s'il allait
dire oui.
JULES
Il dira non, j'en suis certain: je l'ai vu dans bien des epreuves que
lui amenait ma mechancete, il a toujours agi noblement et bien.
LA COMTESSE
Alors signe, Helene... Signe donc, repeta-t-elle d'un ton
d'impatience, voyant l'hesitation d'Helene. Demain matin, de bonne
heure, je lui ferai parvenir cette lettre, et je vous prie instamment,
dit-elle en s'adressant a son mari, de ne pas contrarier mon epreuve,
qui est dans l'interet de Blaise; puisque vous etes tous si surs de
lui.
--Faites, dit le comte avec froideur et tristesse; mais je repete que
votre jeu est cruel, et que le moment est mal choisi pour tourmenter
ce pauvre enfant."
La comtesse prit la lettre des mains d'Helene, la cach
|