eta et ordonna
a sa fille de la remettre a un domestique, avec recommandation de la
porter a Blaise le lendemain de bonne heure.
Helene executa l'ordre de sa mere et reprit tristement son ouvrage;
Jules dessina sans dire mot; le comte resta pensif et silencieux. Ne
voyant pas venir Anfry, il envoya savoir des nouvelles de Blaise; on
lui dit qu'Anfry avait toujours attendu le reveil de son fils, qui
dormait encore paisiblement.
La soiree etait avancee; peu de temps apres le comte avertit les
enfants que l'heure du repos etait arrivee; il se retira avec eux,
laissant sa femme a ses reflexions.
Le lendemain, de bonne heure, comme le comte achevait sa toilette
et se disposait a aller savoir des nouvelles du pauvre Blaise, un
domestique lui remit un paquet; il l'ouvrit et vit qu'il contenait la
lettre que la comtesse avait fait ecrire la veille par Helene; une
autre feuille etait de l'ecriture de Blaise; il lut ce qui suit:
"Cher Monsieur le comte,
"Je recois a l'instant la lettre que je me permets de vous envoyer
ci-joint; je suis reconnaissant de l'amitie que me temoignent Mlle
Helene et M. Jules, mais je vous supplie instamment, mon cher, bien
cher Monsieur le comte, d'empecher la visite qu'ils veulent me faire
en cachette de Mme la comtesse. Je ne peux pas les fuir, puisque je
suis retenu dans mon lit par l'accident que le bon Dieu m'a envoye.
Et comment aurais-je la force de ne pas leur parler, de ne pas les
remercier d'une affection dont je suis si profondement touche, et que
je partage si vivement? Comment ferais-je pour ne pas manquer a ma
parole, pour ne pas enfreindre la defense de Mme la comtesse? Mon bon
Monsieur le comte, venez a mon secours; en cela comme en tout, soyez
mon guide, mon protecteur, mon bon maitre. Ne les laissez pas croire
a de l'ingratitude de ma part; non, non, mon coeur est plein de
tendresse et de reconnaissance pour eux, pour vous; mais voyez, cher
Monsieur le comte, puis-je honnetement, loyalement recevoir leur
visite, connaissant la defense de Mme la comtesse? C'est pour moi une
grande tristesse, un terrible effort de les repousser quand ils
me demandent; j'en suis malheureux, et mes larmes, que je ne puis
retenir, coulent sur mon papier. Cher Monsieur le comte, venez me
donner du courage, venez me tendre votre main cherie pour que je la
couvre de baisers et que je la serre contre mon coeur, ce coeur qui
bat pour vous et les votres d'un amour si profond, si devoue et si
respect
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