deja plus qu'a moitie pleine; la comtesse et Helene
etaient dans leurs bancs, attendant le comte, qui devait les rejoindre
apres avoir mene Jules et Blaise chez le cure, ou se reunissaient tous
les enfants. Il vint en effet prendre sa place entre sa femme et sa
fille. L'eglise ne tarda pas a se remplir, et on entendit le son
lointain des cantiques que chantaient les enfants en marchant
processionnellement. Ils entrerent deux a deux, le cure en tete; Jules
et Blaise le suivaient immediatement. Apres le defile des dix-huit
garcons et des vingt-deux filles, chacun prit la chaise qui lui
etait assignee. M. le cure alla a la sacristie revetir des habits
sacerdotaux; les chantres se couvrirent de leurs chapes, et le service
divin commenca d'abord par la procession, que suivirent les enfants de
la premiere communion; ensuite vint la premiere partie de la messe,
puis l'instruction ou sermon, que M. le cure eut le bon esprit de
ne pas prolonger au dela d'un quart d'heure; puis enfin la derniere
partie de la messe, celle du sacrifice et de la communion. Jules et
Blaise furent tres recueillis pendant toute la ceremonie. Au moment
de quitter sa place pour approcher de la sainte table, Jules saisit
vivement la main de Blaise et lui dit tout bas:
"Une derniere fois, pardonne-moi, mon frere."
Blaise repondit avec simplicite et douceur:
"Je te pardonne, mon frere, et je te benis."
Peu de minutes apres, ils avaient recu, tous deux appuyes l'un sur
l'autre, le Dieu de misericorde et de paix, le Dieu consolateur.
Leur attitude recueillie frappa tous les yeux, emut tous les coeurs.
Il y eut dans l'eglise un mouvement general de surprise lorsque, apres
la communion des enfants, on vit le comte, la comtesse et Helene
quitter leurs places et s'approcher de la sainte table.
"Le comte communie, disait-on tout bas.
--La comtesse aussi. Et Mlle Helene aussi.
--Comme ils ont l'air emu!
--Le comte est tout change, dit-on.
--La comtesse aussi; il parait que c'est le petit Anfry qui les a tous
changes.
--Le pays y gagnera; ils font beaucoup de bien depuis qu'ils sont
amendes.
--C'est le petit Anfry qui a demande au comte de garder la fermiere
Francoise, qui devait partir. Ils ont un nouveau bail de six ans, et
ils sont bien contents.
--Chut, c'est fini; chacun reprend sa place."
Quand la messe fut finie et que l'eglise fut a peu pres vide, il y
resta encore cinq personnes, qui priaient avec ferveur et qui ne
songeaie
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