nce des mets et de la bonte
des vins; ils mangeaient et reprenaient de tout; leur embarras etait
entierement dissipe, ils se sentaient heureux et honores. Mme Anfry
ruminait dans sa tete la position honorable qu'allait lui faire dans
le pays ce repas donne par elle, chez elle, a ses maitres. Dans son
extase interieure, elle se figurait avoir regale le comte et la
comtesse, et pensait que l'honneur qui lui en revenait n'etait qu'un
juste payement de la peine que lui avait donnee l'organisation du
repas.
Le diner fini, le comte et la comtesse allerent s'asseoir sur un banc
devant la maison, apres avoir donne ordre a leurs gens de laisser aux
Anfry tout ce qui restait des mets et des vins divers, ce qui redoubla
la joie et la reconnaissance de Mme Anfry.
Les enfants examinerent avec interet la bibliotheque que le comte
avait donnee a Blaise, en tete de laquelle figure avec honneur un
superbe volume de l'_Imitation de Jesus-Christ_, donne par Helene.
Apres avoir lu le titre de tous les ouvrages, au nombre de cent, Jules
dit a Blaise:
"Mon cher Blaise, je ne t'ai pas encore fait mon petit present; le
voici; accepte-le comme la preuve d'une amitie qui durera aussi
longtemps que moi."
En achevant ces mots, il lui passa au cou une jolie chaine d'or avec
un petit crucifix et une medaille en or de la sainte Vierge.
"C'est beni par un saint prelat qui est devenu subitement aveugle, et
qui donne a tous l'exemple d'une resignation si calme et si douce,
qu'on se sent touche rien qu'en le voyant.
--Merci, mon cher monsieur Jules; si ce n'etait donne par vous et beni
par un saint, je n'oserais porter ces belles choses; j'espere que le
crucifix me fera souvenir de ce que je dois a mon Dieu, et l'image de
la bonne Vierge me donnera le desir d'aimer mon divin Sauveur comme
elle l'a aime en ce monde et comme elle l'aime dans l'eternite."
Blaise baisa son crucifix, sa medaille, et, les cachant dans son sein,
il dit a Jules:
"Tous les jours, matin et soir, je prierai pour vous, devant cette
croix et devant cette medaille."
Le comte et la comtesse avaient rejoint les enfants: la comtesse,
presentant a Blaise une petite boite, lui dit en le baisant au front:
"Je ne puis etre la seule dont tu n'acceptes rien, mon cher enfant;
voici un tres petit objet, mais qui te sera agreable et utile, je n'en
doute pas."
Blaise baisa les mains de la comtesse en recevant la petite boite
qu'elle lui tendait; il l'ouvrit avec empressem
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