al a ce que vous
publiez les bons sentiments que vous avez pour moi, car je n'ai pas
d'amour-propre. Aussi je regrette que vous ayez dit des choses aimables
sur mon compte a vos amis (que nous allons rejoindre dans deux
secondes). Mais pour Mme de Guermantes, si vous pouviez lui faire
savoir, meme avec un peu d'exageration, ce que vous pensez de moi, vous
me feriez un grand plaisir.
--Mais tres volontiers, si vous n'avez que cela a me demander, ce n'est
pas trop difficile, mais quelle importance cela peut-il avoir ce
qu'elle peut penser de vous? Je suppose que vous vous en moquez bien; en
tout cas si ce n'est que cela, nous pourrons en parler devant tout le
monde ou quand nous serons seuls, car j'ai peur que vous vous fatiguiez
a parler debout et d'une facon si incommode, quand nous avons tant
d'occasions d'etre en tete a tete.
C'etait bien justement cette incommodite qui m'avait donne le courage de
parler a Robert; la presence des autres etait pour moi un pretexte
m'autorisant a donner a mes propos un tour bref et decousu, a la faveur
duquel je pouvais plus aisement dissimuler le mensonge que je faisais en
disant a mon ami que j'avais oublie sa parente avec la duchesse et pour
ne pas lui laisser le temps de me poser sur mes motifs de desirer que
Mme de Guermantes me sut lie avec lui, intelligent, etc., des questions
qui m'eussent d'autant plus trouble que je n'aurais pas pu y repondre.
--Robert, pour vous si intelligent, cela m'etonne que vous ne compreniez
pas qu'il ne faut pas discuter ce qui fait plaisir a ses amis mais le
faire. Moi, si vous me demandiez n'importe quoi, et meme je tiendrais
beaucoup a ce que vous me demandiez quelque chose, je vous assure que je
ne vous demanderais pas d'explications. Je vais plus loin que ce que je
desire; je ne tiens pas a connaitre Mme de Guermantes; mais j'aurais du,
pour vous eprouver, vous dire que je desirerais diner avec Mme de
Guermantes et je sais que vous ne l'auriez pas fait.
--Non seulement je l'aurais fait, mais je le ferai.
--Quand cela?
--Des que je viendrai a Paris, dans trois semaines, sans doute.
--Nous verrons, d'ailleurs elle ne voudra pas. Je ne peux pas vous dire
comme je vous remercie.
--Mais non, ce n'est rien.
--Ne me dites pas cela, c'est enorme, parce que maintenant je vois l'ami
que vous etes; que la chose que je vous demande soit importante ou non,
desagreable ou non, que j'y tienne en realite ou seulement pour vous
eprouver, peu im
|