. Tout l'air etait
rempli de mille chants d'oiseaux. Des eperviers planaient,
immobiles, en fouettant l'air du bout de leurs ailes, et plongeant
dans l'herbe des regards avides. De loin, l'on entendait les cris
aigus d'une troupe d'oies sauvages qui volaient, comme une epaisse
nuee, sur quelque lac perdu dans l'immensite des plaines. La
mouette des steppes s'elevait, d'un mouvement cadence, et se
baignait voluptueusement dans les flots de l'azur; tantot on ne la
voyait plus que comme un point noir, tantot elle resplendissait,
blanche et brillante, aux rayons du soleil... o mes steppes, que
vous etes belles!
Nos voyageurs ne s'arretaient que pour le diner. Alors toute leur
suite, qui se composait de dix Cosaques, descendait de cheval. Ils
detachaient des flacons en bois, contenant l'eau-de-vie, et des
moities de calebasses servant de gobelets. On ne mangeait que du
pain et du lard ou des gateaux secs, et chacun ne buvait qu'un
seul verre, car Tarass Boulba ne permettait a personne de
s'enivrer pendant la route. Et l'on se remettait en marche pour
aller tant que durait le jour. Le soir venu, la steppe changeait
completement d'aspect. Toute son etendue bigarree s'embrasait aux
derniers rayons d'un soleil ardent, puis bientot s'obscurcissait
avec rapidite et laissait voir la marche de l'ombre qui,
envahissant la steppe, la couvrait de la nuance uniforme d'un vert
obscur. Alors les vapeurs devenaient plus epaisses; chaque fleur,
chaque herbe exhalait son parfum, et toute la steppe bouillonnait
de vapeurs embaumees. Sur le ciel d'un azur fonce, s'etendaient de
larges bandes dorees et roses, qui semblaient tracees negligemment
par un pinceau gigantesque. Ca et la, blanchissaient des lambeaux
de nuages, legers et transparents, tandis qu'une brise, fraiche et
caressante comme les ondes de la mer, se balancait sur les pointes
des herbes, effleurant a peine la joue du voyageur. Tout le
concert de la journee s'affaiblissait, et faisait place peu a peu
a un concert nouveau. Des gerboises a la robe mouchetee sortaient
avec precaution de leurs gites, se dressaient sur les pattes de
derriere, et remplissaient la steppe de leurs sifflements. Le
gresillement des grillons redoublait de force, et parfois on
entendait, venant d'un lac lointain, le cri du cygne solitaire,
qui retentissait comme une cloche argentine dans l'air endormi. A
l'entree de la nuit, nos voyageurs s'arretaient au milieu des
champs, allumaient un feu dont la fumee
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