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bouche beante, et, essuyant machinalement la boue qui lui couvrait
la figure, il l'etendait encore davantage. Qui pouvait etre cette
belle fille? Il en adressa la question aux gens de service
richement vetus qui etaient groupes devant la porte de la maison
autour d'un jeune joueur de _bandoura_. Mais ils lui rirent au
nez, en voyant son visage souille, et ne daignerent pas lui
repondre. Enfin, il apprit que c'etait la fille du _vaivode_ de
Kovno, qui etait venu passer quelques jours a Kiew. La nuit
suivante, avec la hardiesse particuliere aux boursiers, il
s'introduisit par la cloture en palissade dans le jardin de la
maison, qu'il avait notee, grimpa sur un arbre dont les branches
s'appuyaient sur le toit de la maison, passa de la sur le toit, et
descendit par la cheminee dans la chambre a coucher de la jeune
fille. Elle etait alors assise pres d'une lumiere, et detachait de
riches pendants d'oreilles. La pelle Polonaise s'effraya tellement
a la vue d'un homme inconnu, si brusquement tombe devant elle,
qu'elle ne put prononcer un mot. Mais quand elle s'apercut que le
boursier se tenait immobile, baissant les yeux et n'osant pas
remuer un doigt de la main, quand elle reconnut en lui l'homme
qui, devant elle, etait tombe dans la rue d'une maniere si
ridicule, elle partit de nouveau d'un grand eclat de rire. Et
puis, il n'y avait rien de terrible dans les traits d'Andry;
c'etait au contraire un charmant visage. Elle rit longtemps, et
finit par se moquer de lui. La belle etait etourdie comme une
Polonaise, mais ses yeux clairs et sereins jetaient de ces longs
regards qui promettent la constance. Le pauvre etudiant respirait
a peine. La fille du _vaivode_ s'approcha hardiment, lui posa sur
la tete sa coiffure en diademe, et jeta sur ses epaules une
collerette transparente ornee de festons d'or. Elle fit de lui
mille folies, avec le sans-gene d'enfant qui est le propre des
Polonaises, et qui jeta le jeune boursier dans une confusion
inexprimable. Il faisait une figure assez niaise, en ouvrant la
bouche et regardant fixement les yeux de l'espiegle. Un bruit
soudain l'effraya. Elle lui ordonna de se cacher, et des que sa
frayeur se fut dissipee, elle appela sa servante, femme tatare
prisonniere, et lui donna l'ordre de le conduire prudemment par le
jardin pour le mettre dehors. Mais cette fois-ci, l'etudiant ne
fut pas si heureux en traversant la palissade. Le gardien
s'eveilla, l'apercut, donna l'alarme, et les gens de la
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