amener madame de la Roche-Odon a se prononcer.
--M. Filsac voulait encore me charger de paroles que, par deference pour
M. le comte de la Roche-Odon, je n'ai pas cru devoir accepter.
--Ah! dit madame de la Roche-Odon sans montrer la moindre curiosite a
l'egard de ces paroles.
--Il voulait, continua madame Pretavoine, que je fisse valoir aupres
de vous les raisons qui, selon lui, devraient vous amener a provoquer
l'emancipation de mademoiselle Berengere, qui deviendrait libre ainsi
d'habiter pres de qui elle voudrait.
--M. Filsac va un peu loin dans son zele.
--C'est justement la reponse que je lui ai faite pour moi; car enfin,
en ce qui me touche, je ne pouvais me charger de cette cause a plaider
qu'en prenant parti dans la querelle qui vous divise, vous et M. votre
beau-pere, et c'eut ete une inconvenance de ma part.
Madame de la Roche-Odon ne repondit pas un mot, et madame Pretavoine ne
tira de cette tentative qu'un doute de plus. Etait-ce seulement parce
qu'il lui deplaisait de recommencer des proces, que madame de la
Roche-Odon ne voulait pas emanciper sa fille? Etait-ce au contraire
parce qu'elle attendait la mort prochaine du comte de la Roche-Odon,
si bien qu'elle aurait pendant un certain temps l'administration de la
fortune, que sa fille non emancipee, recueillerait dans cet heritage?
Comme madame Pretavoine, decidee a en rester la pour cette premiere
visite, s'etait levee et allait prendre conge de Madame de la
Roche-Odon, un jeune homme entra dans le salon.
Il pouvait avoir vingt ans environ; il etait de haute taille, avec une
grosse tete blonde sur de larges epaules; le visage etait imberbe, sans
meme un leger duvet; le nez ecrase, l'oeil petit, rond, mais brillant,
la bouche largement fendue, avec des dents blanches et pointues; en
tout un etre baroque et qui a premiere vue etait loin d'inspirer la
sympathie.
--Mon fils le prince Michel Sobolewski, dit madame de la Roche-Odon.
Puis se tournant vers madame Pretavoine:
--Madame Pretavoine de Conde-le-Chatel, qui veut bien nous apporter des
nouvelles de Berengere.
Tout d'abord le prince Michel avait regarde cette vieille femme vetue de
noir, d'un coup d'oeil indifferent qu'on accorde a une domestique ou a
une fournisseuse.
Cette presentation amena un sourire sur ses levres pales.
--Et comment est-elle, la petite soeur?
Ce fut madame de la Roche-Odon qui repondit a cette question en resumant
en quelques mots tout ce que madame
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