ispensable, pour y etre recu, de presenter un billet de confession au
portier, et deux tables sont servies les jours d'abstinence, l'une en
gras, l'autre en maigre, ce qui indique la presence d'un certain nombre
d'incredules et de mecreants; mais enfin, la clientele prise en masse,
est plutot clericale. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'a traverser un
de ses longs corridors. Les domestiques qui brossent la les vetements de
leurs maitres, le font discretement avec des caresses de main, en gens
habitues a plier les surplis, les aubes, les etoles et les chasubles.
Ces vetements eux-memes, si l'on y prend attention, ont une tournure
particuliere; ils sont noirs; le drap est plus epais que celui qu'on
voit sur les epaules du vulgaire; les redingotes sont plus longues, les
pantalons sont plus larges; devant les portes on trouve plus de souliers
que de bottines, et encore beaucoup de ces souliers sont-ils a boucles.
Les gens qu'on rencontre dans les escaliers et dans les vestibules ont
entre eux, pour la plupart, comme un air de famille: visages rases; yeux
baisses; pas glisses; meme les jeunes filles semblent sur le point de
faire une genuflexion devant le Saint-Sacrement.
Et a la table du dejeuner ce sont de discrets _Benedicite_ et de rapides
signes de croix.
A cote d'un voyageur de commerce qui se retient pour ne pas chanter le
_Fils du pape_, est assis un eveque servi par son domestique, qui se
tient derriere sa chaise. Un bon cure de village est a la droite de sa
chatelaine qui lui a paye le voyage de Rome, et il lui parle humblement,
avec un coeur plein de gratitude pour cette generosite; dans la poche de
sa soutane il a une lettre que le portier vient de lui remettre; elle
vient de l'_Anticamera pontifica_ et le _maestro di camera di S. S._
le previent que le lendemain _Sa Saintete_ daignera le recevoir a son
audience. Quelle felicite! Aussi la beatitude dans laquelle il nage lui
a-t-elle coupe l'appetit. Ce n'est pas seulement pour lui qu'il est
heureux, c'est encore pour sa paroisse, a laquelle il va reporter la
benediction du Saint-Pere. Quel malheur qu'une _avvertenza_ placee au
bas de cette lettre dise que _E proibito di prensentare al santo padre
domande in inscritto per Indulgenze, Facolta, Privilegi_; mais enfin
chaque chose doit se faire en son temps et en son lieu.
Ca et la, autour de la table, sont assis d'autres ecclesiastiques, des
cures, des doyens a l'air important, de jeunes abbes avec leurs eleves,
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