s comme lui.
-- Oh! mon Dieu, mon Dieu! s'ecria Marguerite.
-- Oui, dit Charles, repondant a sa pensee; oui, le sacrifice est
rude, ma soeur; mais chacun fait le sien, les uns de leur honneur,
les autres de leur vie. Crois-tu qu'avec mes vingt-cinq ans et le
plus beau trone du monde, je ne regrette pas de mourir? Eh bien,
regarde-moi... mes yeux, mon teint, mes levres sont d'un mourant,
c'est vrai; mais mon sourire... est-ce que mon sourire ne ferait
pas croire que j'espere? Et, cependant, dans huit jours, un mois
tout au plus, tu me pleureras, ma soeur, comme celui qui est mort
aujourd'hui.
-- Mon frere! ... s'ecria Margot en jetant ses deux bras autour du
cou de Charles.
-- Allons, habillez-vous, chere Marguerite, dit le roi; cachez
votre paleur et paraissez au bal. Je viens de donner ordre qu'on
vous apporte des pierreries nouvelles et des ajustements dignes de
votre beaute.
-- Oh! des diamants, des robes, dit Marguerite, que m'importe tout
cela maintenant!
-- La vie est longue, Marguerite, dit en souriant Charles, pour
toi du moins.
-- Jamais! jamais!
-- Ma soeur, souviens-toi d'une chose: quelquefois c'est en
etouffant ou plutot en dissimulant la souffrance que l'on honore
le mieux les morts.
-- Eh bien, Sire, dit Marguerite frissonnante, j'irai. Une larme,
qui fut bue aussitot par sa paupiere aride, mouilla l'oeil de
Charles. Il s'inclina vers sa soeur, la baisa au front, s'arreta
un instant devant Henriette, qui ne l'avait ni vu ni entendu, et
dit:
-- Pauvre femme! Puis il sortit silencieusement. Derriere le roi,
plusieurs pages entrerent, apportant des coffres et des ecrins.
Marguerite fit signe de la main que l'on deposat tout cela a
terre. Les pages sortirent, Gillonne resta seule.
-- Prepare-moi tout ce qu'il me faut pour m'habiller, Gillonne,
dit Marguerite. La jeune fille regarda sa maitresse d'un air
etonne.
-- Oui, dit Marguerite avec un accent dont il serait impossible de
rendre l'amertume, oui, je m'habille, je vais au bal, on m'attend
la-bas. Depeche-toi donc! la journee aura ete complete: fete a la
Greve ce matin, fete au Louvre ce soir.
-- Et madame la duchesse? dit Gillonne.
-- Oh! elle, elle est bien heureuse; elle peut rester ici; elle
peut pleurer, elle peut souffrir tout a son aise. Elle n'est pas
fille de roi, femme de roi, soeur de roi. Elle n'est pas reine.
Aide-moi a m'habiller, Gillonne.
La jeune fille obeit. Les parures etaient magnifiques, la robe
s
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