s, _in petto_, le
cousin Gaspard, tout en se tirant, non sans peine, de sa cachette
embroussaillee.
Puis le traitre ajouta:
--Nom d'une baleine! quelle posture fatigante j'avais la! Tout de meme,
si j'ai mal aux jambes, mon cher cousin doit avoir mal au coeur, lui!
Et il se glissa derriere Suzanne, evitant avec soin de se laisser voir.
XI
LE MEURTRIER ET LA VEUVE
Environ vers six heures de cette meme matinee, une legere embarcation
traversait la baie, de l'ouest a l'est.
Elle atterrit en face du Chalet.
Un homme d'une cinquantaine d'annees, barbe et teint bruns, chevelure
grisonnante, sauta sur le rivage, ou il s'occupa aussitot a fixer
solidement le grappin de l'embarcation.
Puis, cela fait, il se dirigea lentement, le front penche, vers le
chalet, dont les murs blanchis a la chaux ressortaient, a une couple
d'arpents du rivage, au milieu des arbres.
Arrive en face de la porte d'entree, regardant l'ouest, il frappa deux
coups...
Une voix de l'interieur repondit....
L'homme entra.
--Jean Lehoulier! s'ecria la maitresse du logis, en reculant de deux
pas.
--Moi-meme, Yvonne Garceau!
--Que voulez-vous?.... Que venez-vous faire ici?....
--Je viens dire a la veuve de Pierre Noel: Oublions tous deux la scene
du 15 juin 1840 et ne faisons pas porter a nos enfants le poids des
fautes de leurs peres.
La veuve etendit tres haut son bras amaigri et s'ecria avec une sombre
energie:
--Moi, pardonner au meurtrier de mon epoux, du pere de mes enfants!....
Jamais!
--Ecoutez-moi....
--Pourquoi vous ecouterais-je?... Quelle justification pouvez-vous
m'offrir?... Allez-vous rendre la vie a mon homme, que vous avez tue a
coups de couteau?
[Illustration: Arthur, fit-elle en tendant les mains au jeune homme.]
Et la veuve, les yeux flamboyants, les poings serres, fit un pas vers
son interlocuteur.
Celui-ci, calme et triste, ne bougea pas et reprit de sa meme voix
humble:
--Yvonne, je pourrais ici faire appel aux souvenirs de notre jeunesse,
a tous deux, de cette epoque ou, libres encore, nous nous aimions et
avions decide de nous unir par les liens sacres du mariage; je pourrais
evoquer ces jours de larmes ou l'on nous forca de renoncer l'un a
l'autre,--vous parce qu'un pretendant, plus riche s'offrait, moi parce
que le service maritime me reclamait dans les cadres.... Mais ce n'est
pas a la generosite de vos sentiments que je viens livrer assaut, par
surprise: c'est a votre
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