declive qui endiguait le
torrent, un peu en haut de la courbe formee par la nappe d'eau tombante.
La riviere, en cet endroit, avait bien une cinquantaine de pieds de
largeur; mais, comme elle taisait un leger coude vers l'est, le courant
portait naturellement du cote ou se tenait Wapwi, et l'enfant pouvait
esperer que son maitre passerait a portee d'etre secouru.
C'est, en effet, ce qui arriva.
Retarde dans sa marche par ses branches qui grattaient le lit du
torrent, le troncon d'arbre, qu'heureusement Arthur avait pu saisir
en tombant, n'avancait que par bonds et en executant une serie de
mouvements giratoires, qui rapprochaient le naufrage tantot d'une rive,
tantot de l'autre.
A une dizaine de pieds de la corniche ou se tenait Wapwi, Arthur se
trouva, pendant quelques secondes, a portee de saisir la perche tendue a
bout de bras...
--Prends, petit pere! cria Wapwi, et ne tire pas trop fort, si tu ne
veux pas m'entrainer a l'eau.
Arthur saisit machinalement la perche et se laissa glisser de son
epave...
Dix secondes apres, il etait dans les bras de Wapwi, sur l'etroite
corniche.
Au meme instant, ce qui restait de la passerelle s'abimait dans la
chute...
La premiere pensee du jeune Labarou fut de jeter vers le ciel un regard
de reconnaissance; mais sa seconde, assurement, fut pour son jeune
sauveur.
Il le serra dans ses bras, comme une mere eut fait pour son enfant.
--Mon petit Wapwi, lui dit-il en meme temps, tu m'as sauve la vie!....
Sans toi, sans ton courage intelligent, je serais la, dans l'abime
creuse par la chute!.... Desormais, c'est entre nous a la vie a la
mort,--souviens-toi de cela!
Wapwi, les yeux etincelants de plaisir, frotta son front sur les mains
du "petit pere".
Cette naive caresse exprimait, dans l'idee du petit Abenaki, le comble
du bonheur.
Mais, soudain, la figure de Wapwi changea d'expression.... Ses yeux
s'agrandirent.... Son bras se dirigea du cote de l'est....
--Petite mere Suzanne! dit-il.
Arthur regarda.
Dominant d'une vingtaine de pieds le torrent dechaine, un enorme rocher
se dressait a pic sur la rive gauche, en face; et, sur ce socle geant,
une blanche statue de femme, les bras et les yeux leves vers le ciel,
semblait lui adresser une fervente action de grace.
Nous disons: _statue!...._ Et elle en avait bien l'air, cette jeune
fille agenouillee dans une immobilite en quelque sorte hieratique, les
cheveux en desordre et pale comme une morte, lai
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