eleste.
La mer etait tout a fait basse.
Le gibier, suivant ses habitudes locales, n'allait pas tarder a surgir
de tous cotes pour faire, avant le retour du flot, sa cueillette de
mollusques et de graviers.
Deja meme, de divers points de l'horizon embrume par quelques buees
nocturnes, se faisait entendre des couin! couin! d'appel, sorte de diane
sonnee trop tot par quelque palmipede affame.
Les chasseurs, le fusil charge, l'oeil et l'oreille aux aguets,
attendaient, en soufflant mot.
Soudain Gaspard, s'etant retourne vers le fond de la baie, s'ecria:
--Hein! qu'est-ce que c'est que ca?
--Quoi donc? fit Arthur, faisant lui aussi volte-face.
--Une lumiere chez nos voisins!
--C'est un fanal.... Ca se deplace.
--On dirait un signal; la lumiere est tournee en cercle, a bout de bras.
--C'est vrai. A qui s'adressent ces appels?.... C'est ce que nous ne
pouvons savoir.
--Peut-etre bien!....
Et Gaspard, en articulant ces trois mots d'un ton singulier, plongeait
ses prunelles sombres au sein des demi-tenebres flottant sur la baie.
Puis il ajouta d'une voix amere:
--Que le diable emporte le fou ou.... la folle qui se demene ainsi dans
la nuit, au lieu de dormir honnetement dans son lit!
--La folle, dis-tu! fit Arthur avec un haussement d'epaules. Quelle
femme se hasarderait sur la greve, au beau milieu de la nuit?
--Une amoureuse, parbleu!
--Oh! oh! la bonne plaisanterie! Et qu'irait faire une amoureuse, a
pareille heure, sur la rive de la Kecarpoui?
--Des signaux a son amant! repliqua Gaspard avec une rage concentree.
Puis il ajouta a mi-voix, comme s'il se fut parle a lui-meme:
--La gueuse! Malheur a elle! malheur!....
--Tu es fou et jaloux! ricana Arthur, en se levant pour mieux entendre
un bruit etrange, grandissant, qui semblait venir du fleuve, a l'orient,
repercute par les mille echos de la baie.
C'etait la brise de l'est qui s'elevait, le fameux nordet, lequel, apres
s'etre repose vingt-quatre heures, revenait a la charge avec des forces
nouvelles.
Gaspard, que cette interruption des elements avait, fort a propos,
empeche de repondre, ecouta lui aussi ce souffle fraichissant de seconde
en seconde, et il parut se calmer comme par enchantement.
Un etrange sourire arqua ses minces levres et il dit d'un ton degage,
qui contrastait singulierement avec sa voix menacante d'un instant
auparavant:
--Une petite brise de nord-est?.... Bravo! c'est ca qui va nous amener
les ca
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