beau
rouge-feu, repandait sur le paysage cette clarte douce des premieres
heures du jour, tiedissant a peine la fraicheur balsamique emanee,
pendant la nuit, des arbres resineux de la foret.
--Petit, la vie est bien belle parfois! disait Arthur.
--Oui, oui, bonne, la vie, le matin, quand il fait soleil!....
repliquait l'innocent Wapwi.
--Enfant!.... tu ne vois, toi, que par les yeux de la tete. Mais, moi,
c'est par les yeux du coeur que je regarde en ce moment, et je vois de
bien jolies choses, va!
Wapwi, un peu etonne, promenait sa vue percante tout autour de lui: sur
les croupes des collines mouchetees de verdure, sur le vaste golfe ou le
roi de la lumiere jetait une poussiere d'or et jusque dans les gorges
sinueuses de la riviere, d'ou montaient lentement des brouillards
irises.
Il n'apercevait que le panorama accoutume, qui valait certes bien la
peine d'etre admire, mais qui ne l'emouvait pas autrement, l'ayant eu
tant de fois sous les yeux.
De guerre lasse, il se resigna a garder le silence et a s'avouer
que "petit pere" Arthur etait bien mieux doue qu'un enfant abenaki,
puisqu'il possedait deux jeux d'organes visuels: l'un en dehors, l'autre
en dedans.
Le jeune Labarou observait, en souriant, le travail d'esprit auquel se
livrait son compagnon.
Voyant que celui-ci n'arrivait a aucun resultat et ne comprenait
toujours pas, il lui dit, en lui tapant legerement sur la joue:
--C'est inutile, petit, ne cherche plus: tu ne trouveras rien, etant
trop jeune pour avoir eprouve le sentiment qui me fait voir tout en beau
grace aux yeux de mon coeur: cela s'appelle l'amour!
--L'amour! l'amour! repeta l'enfant. C'est donc ca, petit pere, que tu
as dans le coeur pour petite mere?
--Justement, mon fils! Tu y es! s'ecria Arthur, riant cette fois tout de
bon.
--Wapwi aussi l'aime bien, mere Suzanne! dit entre haut et bas
l'enfant: elle a mis sa bouche couleur de rose sur les joues d'un petit
sauvage.... Bonne, bonne, petite mere Suzanne!
--Oh! oui, va! fit chaleureusement l'amoureux Arthur: bonne autant que
belle!
Puis il ajouta, songeur:
--C'est drole, tout de meme.... Cet enfant aime reellement Suzanne
autant que je l'aime moi-meme.... Seulement, ce n'est pas comme moi!
Ainsi devisant, les deux promeneurs arriverent a la passerelle.
Tout y etait en ordre ou, du moins, paraissait tel.
Mais, au-dessous, le torrent, grossi par les pluies de quelques jours
auparavant, avait les allures deso
|