hum! fit-il, quel dommage de ne pouvoir diner deux fois en une
heure!.... il a la de quoi se gaver jusqu'a en etre malade!
--L'appetit te viendra bien assez vite, ricana Louis, qui connaissait le
defaut mignon de son grand frere.
En effet, cet efflanque de Thomas etait aussi gourmand qu'une
demi-douzaine d'Esquimaux.... Il avait toujours faim.... Avec cela,
paresseux comme un ane, quelque peu enclin a.... "maltraiter" la verite
et dissimuler, cafard, sournois, poltron.... comme on ne l'est plus.
Bon comme la vie, du reste, a ces petits defauts pres!
Mais il ne fallait pas le chicaner, par exemple, sur l'article
_nourriture_, car ca le faisait sortir de ses gonds, en un rien de
temps.
Thomas eut un regard severe pour son frere cadet et s'appretait a
repliquer vertement, lorsque la portiere de la tente se souleva
pour livrer passage a une grande femme brune, dont les cheveux gris
attestaient la cinquantaine.
C'etait la veuve do Pierre Noel.
--Ah! vous voila enfin, les gars! dit-elle.... Il est temps, car nous
allions nous mettre a table.
--C'est fait, la mere!... cria joyeusement le petit Louis. On nous
a lestes, chez nos voisins, comme des barques qui reviennent du
Grand-Banc.
--Tout de meme, si vous tenez absolument.... grommela Thomas... L'air
est vif sur la baie, et si les camarades,...
--Y songez-vous? se recria Arthur... Nous en avons jusqu'a la
flottaison. Si bon que soit le vaisseau, il ne faut pas lui mettre
double charge. Et d'ailleurs...
Il avala le reste de sa phrase et resta bouche bee, sa casquette a la
main.
Une jeune fille de dix-sept ou dix-huit ans venait de se montrer dans
l'ouverture de la tente... Un bon et franc sourire ecartait ses levres
rouges, laissant a decouvert deux rangees de petites dents d'une
blancheur d'ivoire. Sa chevelure, d'un chatain fonce et tres abondante,
negligemment enroulee sur la nuque d'une tete fine et fort bien portee,
encadrait l'ovale raccourci de la plus sympathique figure du monde.
La belle enfant s'arreta rougissante en apercevant les deux etrangers,
puis instinctivement se rapprocha de sa mere.
Le presentations se firent alors, sans plus de ceremonie que chez les
Labarou,--c'est-a-dire que les mains se serrerent cordialement, comme si
l'on se fut retrouve apres une longue absence.
Et la conversation s'engagea de part et d'autre; les propos de toutes
sortes se croiserent; des promesses d'eternelle amitie furent echangees;
bref en quelq
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